Perte de confiance en soi, envie de s'isoler. Le chômage est une épreuve que vit l'ensemble de l'entourage familial. Et c'est la relation parent-enfant qui en souffre le plus.
"Je n'imaginais pas à quel point l'impact du chômage sur leur vie intime et familiale était devenu une sorte de tabou à la fois social et personnel."
À l'automne 2016, on annonçait la fermeture de l'usine Alstom de Belfort. C'est à ce moment-là qu'Antoine d'Abbundo a voulu enquêter* sur les impacts du chômage sur l'entourage familial. Quand on est comme lui journaliste spécialisé sur les sujets Économie, on use souvent des mots "profitabilité", "délocalisation", "rentabilité" ; on se penche rarement, dit-il, sur ce que vivent les familles après la perte d'un emploi. Or, si la mobilisation à Belfort a été suffisamment forte pour que le gouvernement annonce un plan de sauvegarde du site, on peut supposer que la peur d'un avenir incertain est toujours là.
C'était un vendredi de printemps près d'Amiens. À force de frapper - en vain - à la porte des usines menacées de fermeture, Antoine d'Abbundo s'est trouvé invité à visionner le film documentaire "Merci Patron!", diffusé pour les salariés de l'usine Whirlpool d'Amiens. Une matinée de projection qui lui a permis de rencontrer enfin les familles.
Mais pour que les uns et les autres se confient, "il faut du temps", observe Madeleine Cord, de l'association Solidarités nouvelles face au chômage (SNC). Les personnes concernées préfèrent souvent parler de leur combat syndical: pour "sortir d'une position de victime". Car selon la psychologue, le chômage est une épreuve qui "fait émerger d'autres fragilités" avec lesquelles on composait tant bien que mal jusque là.
Sept ans après, il reste "beaucoup de familles", témoigne Antoine d'Abbundo, qui restent "impactées par la fermeture du site Continental" (à Clairoix en 2010). L’épreuve du chômage n’est pas seulement un drame pour celui ou celle qui est licencié. "Elle fait irruption à l'intérieur de la personne", explique la psychologue, et c’est un temps périlleux pour l’ensemble de sa famille. Une perte de confiance en soi, "un sentiment de nullité", qui peut pousser à des tentatives de suicide. Pour prévenir les drames liés au chômage, au sein de l'association SNC, des psychologues accompagnent les chômeurs et leurs familles. "Pour (re)construire une relation de confiance."
Perdre son travail, c’est perdre un salaire, mais aussi un statut. Les difficultés sont d’ordre économique, social, et aussi psychologique. "Quand on arrive à les faire parler, ce qui arrive en premier c'est comment la relation parent-enfant est bousculée, avant d'ailleurs la relation mari-femme."
*On pourra lire le dossier consacré aux familles à l'épreuve du chômage dans le supplément "Parents&Enfants" du mercredi 29 mars 2017, du journal La Croix.
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