Elle est l'une des trois femmes rabbins de France. Delphine Horvilleur partage ses questionnements sur son identité juive, et nous montre l'importance de la parole dans cette quête.
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Delphine Horvilleur est l'une des trois femmes rabbins de France. Ordonnée en 2008 pour le Mouvement juif libéral de France ( MJLF). Elle est aussi une intellectuelle, nommée "manager de l'année 2015" par le magazine Le Nouvel Économiste. Une femme qui n'hésite pas à prendre position dans les grands médias français sur la question du fondamentalisme religieux ou sur celle "ô combien subversive et controversée" de la place des femmes dans les religions monothéistes. Elle elle l'auteure, avec l'islamologue Rachid Benzine, de l'ouvrage "Des mille et une façons d'être juif ou musulman" (éd. Seuil).
Dans le judaïsme où elle a grandi, qui est majoritaire en France, les petites filles ne sont soumises à aucun rite de passage. Des traditions "ancrées dans un patriarcat", et dont "certains font des lectures apologétiques". Comme si les filles, douées d'"une conscience naturelle et innée et essentielle de quelque chose", n'avaient pas besoin de rites...
Impossible de ne pas penser aux propos de Françoise Héritier quand on entend Delphine Horvilleur poursuivre : "La vérité c'est que, en toute honnêteté, c'est simplement le fruit d'un temps où les femmes n'avaient pas accès au pouvoir. Et dans nos modes de pensées, dans nos traditions religieuses, celui qui n'a pas accès au savoir n'a pas accès au pouvoir." Pour elle, cette tonalité patriarcale du discours religieux concerne les trois monothéismes.
Élevée dans une famille où l'on parlait tantôt français tantôt yiddish, Delphine Horvilleur a su très tôt quelle pouvait être la force du langage. En hébreu, khaïm signifie "la vie" mais n'existe qu'au pluriel. "Aucun de nous peut avoir une vie, on a toujours des vies." Et Elohim qui signifie "Dieu" est aussi au pluriel. Pour nous rappeller "qu'ils relèvent de l'indéfinissable", qu'il y a toujours "quelque chose qui échappe à la définition", qu'il y a toujours quelque chose "au-delà du nom".
Delphine Horvilleur est elle-même l'héritière de "deux histoire difficiles à concilier". Née à Nancy en 1974, elle appartient par son père aux juifs d'Alsace-Lorraine "qu'on appelait Israélites", très attachés à la République et à la laïcité. Ses ancêtres ont été cachés par des Justes pendant l'Occupation. Du côté de sa mère, c'est un peu par hasard que l'on est arrivé dans l'est de la France - "arrachés à la déportation", des "survivants". D'un côté, l'amour de la France et la "confiance en l'autre qui vous a sauvé" ; de l'autre "une histoire de défiance où l'autre pouvait tout à coup se transformer en votre assassin".
Les histoires, comme les mots, sont multiples, complexes, riches. Delphine Horvilleur a "toujours eu cette conscience qu'il y avait des récits qui n'étaient pas conciliables dans [sa] famille". Et que son "identité juive" allait se jouer là, dans l'idée d'être à sa place et de n'y être pas tout à fait. "Une complexité identitaire avec laquelle il faut vivre."
Être juive, et "ne jamais laisser cet état de victime vous définir". Comment se relève-t-on d'une histoire aussi sombre et douloureuse quand on est juif au XXIe siècle ? Comment décider d'être acteur quand on est une femme juive, et que l'on a grandi dans une religion patriarcale ? Son identité juive, comme elle la décrit, est "une identité de vie, d'étude, de pensée de l'avenir". Et sa "plongée dans les textes a beaucoup à voir avec ça"...
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