"Il est extrêmement important qu'on puisse donner des raisons à sa foi." Dans son dernier essai, c'est en philosophe que Denis Moreau engage un dialogue vif, intelligent et drôle avec notre époque au sujet de la foi catholique. Avec "Comment peut-on être catholique?" (éd. Seuil), on comprend que l'enjeu dans un monde déchristianisé est de montrer d'une part qu'une foi "ne reposant sur aucun argument est absurde", et d'autre part qu'une religion chrétienne réduite à sa morale est vidée de sa substance.
C'est ainsi que Denis Moreau intitule son essai. En 1721, Montesquieu montrait l'étonnement des Parisiens devant la condition de persan, avec le fameux "Comment peut-on être persan ?". "Aujourd'hui, c'est souvent devant la condition de catholique que les gens s'étonnent", estime le philosophe. Or, "il faut respecter cet étonnement", selon lui. Déjà parce que l'étonnement est "un sentiment originairement philosophique" ; d'autre part parce que "le respecter c'est aussi essayer de lui répondre".
"On se moque un peu de moi gentiment..." Parfois il arrive que ses collègues s'étonnent du catholicisme de Denis Moreau. Lui qui est professeur de philosophie à l’université de Nantes - et ne cache pas pas sa "fierté" de travailler "pour une université publique". Mais plus généralement, il observe "une incompréhension manifeste" à l'égard du christianisme dans notre société. Sans doute parce que les gens ne dont pas l'effort de s'informer? Sans doute parce aussi parce que les croyants ne font pas assez l'effort d'expliquer leur foi? "Si, quand on les questionne sur leur foi, les chrétiens n'ont à dire que des choses comme 'je crois mais je ne sais pas pourquoi' ou 'je le ressens mais je ne peux pas l'expliquer', il ne faut pas s'étonner si on les considère comme les membres d'une secte un peu bizarre!"
Parler de sa foi, est-ce prouver que Dieu existe? Le philosophe croyant en a-t-il nécessairement les outils? "Des dieux sur le marché, il y en a plein", dit Denis Moreau avec humour. Pour lui la question à se poser est plutôt quel est le Dieu qui existe?
"Entre la foi fondée sur aucun argument et la science qui se caractérise par la certitude, il y a plein de degrés envisageables." S'agissant de Dieu, s'agit-il de preuves, d'indices, de signes? Parmi les arguments en faveur de l'existence de Dieu, celui émis il y a 2.400 ans avec Aristote, que Denis Moreau juge "assez bon" et même "plutôt intéressant", fondé sur l'idée qu'il faut une cause première, un principe à l'origine du monde que l'on peut appeler Dieu.
Comment expliquer que le message du Christ aujourd'hui soit quand même assez connu mais vidé de sa substance? Il y a dans notre société des philosophes comme André Comte-Sponville ou Luc Ferry qui conçoivent le christianisme comme une sagesse, une morale. "Je pense qu'il n'y a pas de morale chrétienne par certains côtés." Comme il le rappele c'est surtout dans l'Ancien Testament que l'on trouve "une codification précise de comment se nourrir ou s'habiller", si c'est ce que l'on entend par morale. Dans le Nouveau Testament "l'idée générale" est qu'il il y a un seul commandemant d'amour. "Il y a bien des prescriptions morales chrétiennes, ne pas tuer, ne pas voler... Mais ce n'est pas spécifiquement chrétien !"
Qu'apporte donc le christianisme? Dans les béatitudes, un texte que le pape commente abondamment dans sa dernière exhortation apostolique, on trouve la spécificité du message chrétien. Il y a aussi l'amour des ennemis, parmi les injonctions du Christ qui interpellent - "Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent" dit le Christ (Mt 5, 44). Et bien sûr la résurrection : "Si on pense que le Christ nous a montré que la mort n'est pas le terme alors on vit différemment son rapport à la mort, et donc on vit différemment tout court."
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