L'art contemporain est parfois assez inaccessible, et on peut avoir le sentiment que les artistes se moquent du monde. Certains en revanche gagnent à être connus, tout comme leurs oeuvres. C'est le cas de Giuseppe Penone.
L’art contemporain n’est pas facile d’accès. Souvent, on se dit que l’on n’y comprend rien ou que l’artiste se moque de nous. Par exemple en fixant une banane sur un mur avec un morceau d’adhésif gris. (Le cas est authentique, l’objet s’est vendu pour 100 000 €). Mais il y a aussi des créateurs contemporains qui ne se moquent pas du monde. Comprendre leurs œuvres peut demander un certain effort mais cet effort en vaut la peine.
À mes yeux, l’œuvre de Giuseppe Penone vaut la peine que l’on s’y intéresse. La Bibliothèque nationale de France, à Paris, consacre une remarquable exposition à cet artiste italien, né dans le Piémont en 1947. L’œuvre centrale de cette expo est spectaculaire. Il s’agit d’une toile de lin blanc de 30 mètres de long posée sur des tables. Elle porte l’empreinte d’un tronc d’arbre. Penone a obtenu cette image en posant le tissu sur le tronc d’un acacia avant de le frotter avec des feuilles de sureau. Sur la toile, autour de cette empreinte, l’artiste a écrit un long texte poétique dans une très belle calligraphie. L’œuvre s’appelle "pensieri e linfa", ce que l’on peut traduire par "pensées et sève".
Cette œuvre est très significative d’une démarche qui cherche à inscrire la création artistique dans une relation intime avec la nature. Penone a été notamment marqué par l’œuvre de Walt Whitman, poète américain du XIXe siècle qui a écrit, dans son célèbre recueil "Leaves of grass" (feuilles d’herbes) : "Nous sommes la nature, longtemps nous avons été absents mais à présent nous revenons."
Penone, par exemple, cherche à retrouver la forme naturelle cachée à l’intérieur d’un objet façonné par l’homme. Il prend des poutres de sapin, de mélèze ou de cèdre et, avec une gouge, creuse à travers les anneaux de croissance pour dégager ce qui est en quelque sorte l’arbre d’origine caché au cœur de la pièce de bois. C’est un travail d’une précision fascinante. L’exposition de la BNF propose un ensemble de 12 poutres ainsi excavées, travaillées comme des livres ouverts. Penone fait d’ailleurs remarquer qu’en botanique, une des couches internes de l’écorce est appelée "liber", c’est-à-dire, en latin, livre.
Les matières sont magnifiques, qu’il s’agisse du bois ou du marbre que Penone creuse pour en matérialiser les veines ou encore du bronze qu’il laisse s’oxyder pour qu’il se fonde dans la nature. Et puis, il y a dans la démarche de Giuseppe Penone une très forte préoccupation humaine et spirituelle.
Cela s’exprime notamment dans une gravure intitulée "arbres inversés", un arbre à l’envers qui est réalité une représentation du Christ en croix. Le bois vertical, c’est le tronc. Le bois horizontal, ce sont les racines qui sont déployées de chaque côté. Quant à la ramure de cet arbre inversé, elle forme comme un globe terrestre sur lequel la croix est plantée. Cela m’a remis en mémoire une réflexion du dominicain Adrien Candiard : "L’homme est un arbre paradoxal qui n’est solidement planté sur la terre que parce que ses racines sont au ciel."
Il y a là une représentation mystérieuse et troublante du drame de la passion qui mérite à elle seule la visite à la bibliothèque nationale.
Jusqu’au 23 jan. 2022
Mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi :
10 h - 19 h
Dimanche :
13 h - 19 h
Bibliothèque François-Mitterrand – Galerie 2
Quai François Mauriac, 75013 Paris
75706 Paris Cedex 13
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !