"D'où vient ce sentiment étrange que les femmes m'inspirent davantage de confiance à accomplir cette transformation [environnementale] que les hommes ?" Cette citation tirée du livre de Pascale d’Erm, "Sœurs en écologie" (éd. La Mer salée, 2017) suggère l'idée d'un lien particulier entre les femmes et la nature. À l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars, la journaliste, spécialisée en écologie depuis une vingtaine d’années, nous aide à penser notre lien à la nature et au monde. Elle nous explique ce qu'est l'écoféminisme et comment ce courant de pensée peut aider à envisager la transition environnementale.
Quand on parle d'écologie et de ses grands penseurs, on évoque souvent Thoreau, et son "Walden ou la Vie dans les bois" (1854) ou Aldo Leopold et "Penser comme une montagne". Mais, comme Pascale d'Erm l'a noté, on mentionne rarement des femmes. Connaît-on aussi bien que Thoreau la pensée de la biologiste Rachel Carson (1907-1964), de l'écoféministe indienne Vandana Shiva, de l'océanographe Anita Conti (1899-1997) ou encore de la mystique du XIIe siècle, sainte Hildegarde de Bingen ? Si les femmes ne sont pas absentes de la pensée écologique, "il y a une invisibilité des femmes dans l'histoire" et notamment dans le domaine de l'écologie.
Pour parler des liens qui unissent les femmes à l'écologie, Pascale d'Erm a voulu dépasser tout ce qui était de l'ordre de "l'identification des femmes à la nature" dans une visée "essentialiste". Force a été de constater que traditionnellement les femmes ont un lien particulier à la nature. Et qui se manifeste à travers trois valeurs fortes.
La journaliste a "identifié trois valeurs", "des constantes" depuis le Moyen Âge : le care, tel qu'il a été théorisé par Carol Gilligan, auteure de "Une voix différente" (1982). Il s'agit de "prêter attention à l'autre, de se soucier de l'autre et d'accorder aux plus faibles, aux minorités, une voix au chapitre". Le care, c'est aussi l'idée que les émotions sont aussi une source de compréhension du monde et pas seulement la rationalité.
Autre valeur clé, l'interdépendance : "Nous sommes parmi les animaux, nous sommes en lien avec toutes ces espèces, pas seulement au-dessus mais avec, pour, et dans ce monde vivant, ce qui incombe des droits et des devoirs." Et enfin, la "conscience du temps long" est une valeur forte chez les femmes, qui sont "en liaison avec la vie et la mort". Bien souvent en effet ce sont des femmes qui accompagnent la fin de la vie. "Ces trois valeurs, de care, de temps long et d'interdépendance, nous permettent d'ériger la vulnérablité en politique, en citoyenneté, en combat, en force."
Émission d'archive diffusée en mars 2020
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