Montrée du doigt pour ses richesses et son patrimoine immobilier, l'Église catholique a la réputation d'être riche, une réputation qui cadre mal avec l'idéal de pauvreté évangélique. Et qui relève surtout du fantasme, selon Ambroise Laurent, secrétaire général adjoint de la CEF, chargé des questions économiques, sociales et juridiques.
En novembre 2021, Radio France révélait la fortune immobilière du diocèse de Paris, et titrait "700 millions d’euros de biens immobiliers cachés". Des chiffres avancés après l'annonce par la CEF de la création d’une instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation pour les personnes victimes de violences et d’agressions sexuelles. Instance financée par la vente des biens de l’Église.
À combien peut-on estimer le patrimoine immobilier de l’Église en France ? Ce chiffre, Ambroise Laurent, le secrétaire général adjoint de la CEF, chargé des questions économiques, sociales et juridiques "ne peut pas" le donner, car il ne le "connaît pas". "Nous n’avons pas une connaissance précise de la valeur des biens immobiliers, ces biens sont d’abord des biens pastoraux", explique-t-il. Au sujet des bâtiments de la CEF avenue de Breteuil, dans le VIIe arrondissement de Paris, il rappelle qu’il a été racheté à la communauté des Sœurs du Cénacle. Et que l’hôtel particulier qui sert de résidence à l’archevêque de Paris est le fruit d’un legs. "L’immobilier de l’Église c’est d’abord un immobilier pastoral, et donc c’est un immobilier qui ne rapporte rien, il coûte parce que chaque année il faut l’entretenir, il faut faire des grands travaux, il faut mettre aux normes."
L’Église catholique a la réputation d’être riche. Une réputation qui cadre mal avec l'idéal de pauvreté évangélique. Elle est même parfois teintée de scandales. Il a été notamment question de corruption ou de blanchiment d'argent dans des affaires mettant en cause l’IOR (ou Institut pour les œuvres de religion), dit la "banque du Vatican". Vatileaks ou l’affaire des fuites du Vatican, en 2012, serait même pour certains la raison de la renonciation du pape Benoît XVI, en février 2013. "Comme je voudrais une Église pauvre pour les pauvres", a déclaré son successeur le pape François peu après son élection. Le fantasme d’une Église riche qui conserve ses trésors à l’abri du secret est d’autant plus vif que l’Église catholique a une réputation d’opacité et qu’un bon nombre d’églises sont de véritables joyaux d’art sacré.
"Le patrimoine de l'Eglise dans le monde est estimé à 2.000 milliards d'euros, en prenant en compte les universités, les écoles, les hôpitaux…" déclarait Carlo Marroni, journaliste italien spécialiste du Vatican dans Les Échos, le 16 janvier 2020. "2.000 milliards ça paraît énorme, commente Ambroise Laurent, il faut mettre ça en rapport avec ce qui est la réalité économique de notre monde contemporain : une société comme Apple vaut à elle seule 3.000 milliards, donc l’Église catholique, si elle a 2.000 milliards de patrimoine, elle vaut les deux tiers de Apple."
L’Église catholique en France a un déficit de fonctionnement annuel de plus de 100 millions
"Avant de fantasmer de manière assez amusante quand on connaît le sujet mais attristante quand on entend certains, sur le patrimoine immobilier de l’Église il faut préciser ce quoi on parle", déclare Ambroise Laurent, qui rappelle que l’Église de France, "soit l’ensemble des paroisses et des diocèses" collecte environ 480 millions d’euros de dons : "en face vous avez 620 millions de dépense". L’Église catholique en France a donc "un déficit de fonctionnement annuel de plus de 100 millions". Déficit qu’elle couvre grâce aux legs, à ses revenus financiers et immobiliers et à la vente de biens immobiliers. Chaque année, à la fin septembre "il n’y a plus de dons qui permettent de couvrir les charges".
Quand on parle des finances de l’Église, il faut distinguer celles des paroisses, diocèses et conférences épiscopales d’un côté, et de l’autre les ressources des communautés religieuses, des associations et les mouvements en charge de l’activité caritative ou éducative de l’Église, comme le Secours catholique ou l’Enseignement catholique… Le Vatican, lui, a le fonctionnement d’un État, avec un trésor public. Ses ressources proviennent essentiellement de son patrimoine - il y a notamment les revenus touristiques de ses musées. Une fois par an, il reçoit le denier de Saint-Pierre, des ressources apportées par les catholiques du monde entier. "Il y a un principe de subsidiarité dans l’Église, qui veut que chacun est responsable de sa gestion. Donc il n’y a pas une grande caisse qui rassemble tout le monde."
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