L'école doit redevenir un lieu de transmission du savoir. Et pas d'éducation sociale. C'est la conviction de la philosophe Hannah Arrendt, qui date de 1954. Décryptage de Jean-Paul Mongin dans le rendez-vous hebdomadaire de sa chronique "Les Petits Platons"
Dans La crise de la culture, que Hanna Arendt considérait comme son meilleur livre, la philosophe consacre un essai lumineux à la question de l’éducation. Et déjà (nous sommes en 1954), elle s'inquiète de la disparition de l’autorité, de nouvelles méthodes pédagogiques hasardeuses, et de l’oubli des savoirs au profit d’activités à visée “citoyenne”.
Le rôle de l’école est d’apprendre aux enfants ce qu’est le monde, et non leur inculquer un quelconque art de vivre, disait Hannah Arendt suivant un credo, qui devrait être écrit en lettres d’or au-dessus du bureau de notre ministre de l’éducation. Hannah Arendt rappelle que l'Ecole n'a pas pour vocation essentielle de préparer un avenir plus écologique ou une société plus égalitaire, mais de transmettre le monde aux enfants.
L’un ne va pas sans l’autre si l'on se réfère au double sens du mot discipline, qui désigne à la fois un contenu d'enseignement et des règles de comportement qui le rendent possible. C’est parce qu’il en sait plus sur le monde, que le professeur peut y ouvrir un chemin à ses élèves. On le retrouve dans l’interpellation enfantine : maître ou maîtresse qui vient de magis signifiant davantage en latin. Le maître a ainsi autorité pour se faire le médiateur entre le foyer de l’enfant et la communauté. Il est là pour apprendre à l'enfant à se tenir debout, sens premier de la magnifique appellation d'instituteur.
À l’heure des tableaux numériques, de la classe inversée, tout ceci sonne quand même un petit peu désuet, pour ne pas dire conservateur. Hannah Arendt répondrait à cela que : C’est justement pour préserver ce qui est neuf et révolutionnaire dans chaque enfant que l’éducation doit être conservatrice. Non pas dans le sens social où l’école permettrait aux élites de conserver l’ordre établi et ses privilèges, mais plutôt dans le sens conservatoire, tel un sanctuaire destiné à la transmission et l’appropriation d’un héritage. Hannah Arendt insiste beaucoup sur la protection du ferment de nouveauté que représente chaque enfant, à l’école et par l’école, une valeur qui n’a jamais été autant d’actualité qu’aujourd’hui.
La philosophie politique dans Le petit Théâtre de Hannah Arendt de Marion Muller-Colard publié aux Petits Platons
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