Si l'accès aux soins est de plus en plus difficile en Normandie, c'est encore plus compliqué pour les personnes qui souffrent d'un trouble psychiatrique. Pour remédier à ce problème, la Fondation du Bon Sauveur dans la Manche dispose depuis 2021 d'un service somatique sur son site de Picauville, avec notamment un cabinet dentaire réservé à ses patients. Ce service facilite notamment les consultations pour les personnes qui ont un trouble du spectre autistique.
Le service somatique a vu le jour en 2021 sur le site de la Fondation du Bon Sauveur à Picauville dans la Manche. Il regroupe tous les professionnels qui interviennent pour la santé physique des patients de la Fondation, des médecins généralistes, des diététiciennes, une infirmière, un dentiste et une assistante dentaire. « On a créé ce service car on avait besoin de se coordonner davantage entre professionnels », explique le docteur Sophie Favier, chef du service.
« Les personnes qui ont des pathologies psychiatriques ont beaucoup plus de problèmes de santé, liés à leur mode de vie, aux effets secondaires des traitements, sans compter des pratiques addictives. Elles ont une espérance de vie diminuée de 15 à 20 ans par rapport à la moyenne. » Or ces patients ont des difficultés à aller consulter. « Ils souffrent d’une stigmatisation de la part des professionnels du soin qui n’ont pas forcément l’habitude de ce type de public. » Dans ce service au contraire, ils sont avec des spécialistes qu’ils connaissent, sur le site même de la Fondation et bénéficient de consultations qui durent le temps qu’il faut avec des professionnels qui ont choisi de travailler dans ce secteur. « J’aime beaucoup ces patients, ils sont très attachants, très reconnaissants, pas du tout agressifs comme on pourrait le penser », ajoute Sophie Favier.
Autre atout de ce service somatique, il dispose depuis juillet d’un cabinet dentaire réservé aux patients de la Fondation. De la salle d’attente jusqu’à la salle de consultation tout est fait pour mettre à l’aise les patients et s’adapter à eux. Ici des créneaux d’une heure sont prévus. Pour certains patients des visites blanches sont nécessaires pour les habituer au lieu avant de pouvoir pratiquer les premiers soins, une adaptation qui ne serait pas envisageable dans un cabinet classique.
« Il y a un jeune qui est venu une dizaine de fois sans qu’on puisse lui faire le moindre soin. On a finalement compris qu’il aimait écouter du piano, maintenant il arrive à s’asseoir, bientôt on pourra voir ses dents », explique le docteur Vincent Hollier-Larousse qui office dans ce cabinet. Chirurgien-dentiste, il a commencé à soigner des patients atteints de troubles psychiatriques dans un cabinet ordinaire et y a pris goût. « Avec ces patients, il faut juste consacrer le temps et l’énergie nécessaire, ce n’est pas une question matérielle, c’est une question humaine, il faut aimer ça et c’est mon cas. J’apprécie leur côté spontané, et le fait de devoir se remettre en question en permanence. »
Les patients de la Maison d’accueil spécialisée de Picauville sont les premiers à pouvoir bénéficier du service somatique situé à quelques pas. Pour les personnes qui ont un trouble du spectre autistique, l’accès aux soins est un véritable défi. « Ce sont des personnes assez réfractaires aux soins, il faut répéter les différents actes pour que le jour de l’examen elles acceptent plus facilement d’être soignées. On a eu par exemple une dame qui devait faire une prise de sang pour trouver un traitement contre la douleur. Il nous a fallu un an et demi pour l’habituer à se rendre dans le cabinet, s’asseoir sur le fauteuil et accepter le garrot », explique Marie Gérard, cadre de santé spécialisée en TSA ( trouble du spectre autistique ) .
« Certains ont eu des expériences traumatisantes par le passé, d’autres ont des troubles sensoriels, ils n’acceptent pas d’être touchés par des objets, ou encore ils peuvent avoir un défaut de planification, ils n’arrivent pas à se projeter dans le soin, ils ont besoin de répétition. » Autre particularité, ils ont du mal à exprimer leur douleur et quand ils le font ils ne savent pas forcement la localiser, ce qui demande une vigilance très particulière des professionnels qui les accompagnent. Ce service de proximité est alors une vraie chance pour pouvoir réaliser des consultations blanches et échanger avec les professionnels qui connaissent bien ces particularités.
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