Le chemin synodal allemand entame ce jeudi sa cinquième et dernière étape. Ce processus, entamé par l'Église d'Allemagne à la suite des révélations d'agressions sexuelles par des prêtres, propose plusieurs des réformes dans l'Église. Changements dans la répartition des pouvoirs avec les laïcs, remise en question du mariage des prêtres et de l'ordination des femmes... Des idées qui ne sont pas toujours très appréciées à Rome. Le bras de fer entre le Vatican et l’Église d’Allemagne peut-il mener vers un schisme ?
L’Église d’Allemagne ce jeudi 9 mars la cinquième et dernière étape de son chemin synodal à Francfort. Ce processus fait grincer des dents à Rome. Deux Français y participent en tant qu’observateurs : un clerc, l'évêque de Saint-Dié Mgr Didier Berthet, et un laïc, Jérôme Vignon, qui représente le collectif Promesses d’Église. Il est interviewé sur RCF.
Faut-il craindre un schisme entre Rome et l’Église allemande ? "Le soupçon de schisme est tout à fait infondé, assure Jérôme Vignon, en permanence la dimension de l’Église universelle est présente dans les débats." Observateur au chemin synodal allemand, il admet toutefois l’idée d’un "bras de fer" entre le clergé allemand et le Vatican.
Les sujets de discorde entre Rome et Berlin sont nombreux. Par exemple, l’idée d’un conseil synodal, organe de l’Église allemande qui viserait à établir une gouvernance partagée entre laïcs, prêtres, diacres et évêques. Il aurait pour mission de prendre des décisions sur les questions d’avenir pour l’Église et sa gestion financière. Ce projet a entraîné un recadrage immédiat du Saint-Siège. Pour Rome, "les décisions de ce comité ne peuvent pas limiter l’autorité de la Conférence épiscopale et ne sont pas contraignantes pour les évêques". Autre sujet de discorde : l’ouverture de la prêtrise aux femmes. Par la voix de son représentant à Berlin, le pape a fait savoir il y a quelques jours que le principe pétrinien n’offrait pas de place pour un éventuel sacerdoce féminin dans l'Église catholique.
Le chemin synodal est un processus entamé il y a trois ans par les évêques allemands avec des laïcs. Cette démarche a été engagée en réaction à un rapport sur les abus sexuels. Elle est liée à la spécificité de l’Église outre-Rhin. "L’Église allemande est composée de beaucoup de laïcs, explique Jérôme Vignon, notamment des théologiennes qui sont fortement engagées dans la vie pastorale." Et pour qui les révélations d’agressions sexuelles, "le fait de se sentir membres de l’Église et du même coup complètement atteint par ce déni de l’Évangile, ce déni du rattachement à Jésus", ont suscité "quelque chose d’extrêmement fort".
Le chemin synodal est en quelque sorte une réponse des évêques allemands en réaction à ces révélations. L’objectif est de réfléchir ensemble - clercs et laïcs - aux "réformes structurelles qu’il convenait de mener pour faire face à ce qui était interpréter comme le principales causes sous-jacentes à ces abus sexuels", rapporte Jérôme Vignon. Une initiative que l’observateur qualifie "d’assez radicale".
L’Église catholique allemande pose des questions qui sont en avance par rapport au synode sur la synodalité que le pape François a mis en branle
"L’Église catholique allemande, clercs et laïcs, dessine un agenda, pose des questions qui sont en avance par rapport au synode sur la synodalité que le pape François a mis en branle", estime Jérôme Vignon. Et parmi ces questions, l’ordination des femmes, le mariage des prêtres, le changement de la doctrine sur l’homosexualité ou encore une éventuelle remise en question de la répartition du pouvoir au sein de l’institution.
L’Église d’Allemagne entend prendre en compte "les signes des temps". Une expression qui n’est pas nouvelle. Tirée de l’évangile de Matthieu ("L’aspect du ciel, vous savez en juger ; mais pour les signes des temps, vous n’en êtes pas capables" Mt 16, 3), elle a été employée notamment par le pape Jean XXIII lors du concile Vatican II. Elle revient très souvent dans les textes de la Doctrine sociale de l’Église. L’expression renvoie à l’idée d’une Église ouverte, à l’écoute de ses contemporains et capable d’intégrer les réalités du monde à sa doctrine. "Faire des signes des temps un élément d’information de la foi et de qualité théologique, c’est je crois un grand acquis de ce chemin synodal, affirme l’observateur français, ça me semble être la source majeure d’innovations théologiques."
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