Le prix Goncourt 2022 est décerné à Brigitte Giraud, pour son livre "Vivre vite" (éd. Flammarion). Vingt ans après l'accident qui a coûté la vie à son mari, elle revient sur l'enchaînement des petits événements de l'existence qui ont conduit au drame. Une manière de garder vif le souvenir de l'être aimé. Un livre bouleversant !
Ce jeudi 3 novembre, l'académie Goncourt vient d'attribuer le prix Goncourt 2022 à Brigitte Giraud, pour "Vivre vite" (éd. Flammarion). L'ouvrage était en lice avec "Le Mage du Kremlin", de Giuliano da Empoli (éd. Gallimard), "Les Presque Sœurs" (éd. Seuil) de Cloé Korman et "Une somme humaine" (éd. Rivages) de Makenzy Orcel.
C’était il y a plus de vingt ans. Le 22 juin 1999. Claude est mort dans un accident de moto, sur une puissante cylindrée. C’était il y a plus de vingt ans, et sa femme n’est autre que l’auteure Brigitte Giraud, qui a écrit une dizaine de romans avant d’en venir à ce récit. "Vivre vite", c’est refaire l’histoire, rembobiner les jours pour comprendre ce qui a pu se passer. Et si, et si… Et si le destin ne s’en était pas mêlé, si le hasard avait fait qu’il pleuve ce jour-là. Les si s’enchaînent comme un jeu de domino. Toutes ces questions qu’on n’ose pas se poser, de peur de découvrir que la vie ne tient qu’à un fil, et qu’un jour, le fil casse.
"Quand aucune catastrophe ne survient, on avance sans se retourner, on fixe l’horizon, droit devant", se souvient Brigitte Giraud. Mais quand survient le drame, on remonte la chaîne des causalités, et on raconte comment la vie continue sans issue de secours : "J’ai emménagé seule avec notre fils, au cœur d’un enchaînement chronologique assez brutal. Signature de l’acte de vente. Accident. Déménagement. Obsèques. L’accélération la plus folle de mon existence. "
Ce qui est émouvant dans le récit de Brigitte Giraud, c’est la précision des souvenirs, cette mémoire d’un bonheur simple, que l’accident vient détruire en un instant. L’auteur cherche un coupable, s’interroge, culpabilise : "Je peux affirmer ici que c’était la vie parfaite. Cela a duré dix ans. Je ne sais pas ce qui m’a pris de vouloir changer quelque chose à cet équilibre." L’envie de déménager, le goût du changement, le désir de faire du neuf… "Claude me laissait faire, avec cette douceur et cette désinvolture qui le caractérisaient."
Pourquoi s’inquiéter ? Brigitte Giraud va de l’avant, sans imaginer un seul instant qu’elle puisse contribuer de quelque façon à l’issue fatale : "Par ma volonté, j’avais préparé, sans le savoir, les conditions de l’accident." Au fil des questions, c’est l’homme aimé qui se dessine, dont le souvenir est ravivé. Des notes résonnent encore, alors qu’il aimait tant la musique : "Il écoutait des albums le soir à la maison, il prenait des notes, il me faisait découvrir ce qu’il aimait. C’était l’une de ses raisons de vivre, découvrir, dénicher, écouter, écouter encore, et transmettre." Retrouver cet homme disparu il y a vingt ans, et buter encore et toujours sur la part de mystère du jour terrible : "Il n’y a pas de mauvaises questions", insiste Brigitte Giraud.
Pourquoi a-t-il décidé de se déplacer en moto ce jour-là ? Pourquoi avec cette moto surpuissante qui était juste entreposée dans la nouvelle maison ? À quoi pensait-il ? "Je ne fais qu’émettre des hypothèses pour calmer cette béance qui me gagne quand je tente d’imaginer cette dernière journée." Les dernières minutes d’une vie restent à jamais inconnues. Aujourd’hui, il faut déménager, quitter cette maison qu’il n’a jamais habité, et peut-être le laisser partir, loin. "Ça fait vingt ans et ma mémoire est trouée. Il m’arrive de te perdre, je te laisse sortir de moi", écrit Brigitte Giraud. Plus qu’un livre de deuil, c’est une bouleversante déclaration d’amour. Au risque de vivre vite, trop vite.
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