C’est donc « Jeanne du Barry » de Maïwenn qui a ouvert le 76 e Festival de Cannes, mardi soir. Un film qui est par ailleurs sorti immédiatement en salle un peu partout, en France comme en Belgique, question d’offrir le Festival de Cannes à tout le monde, partout et en même temps.
« Jeanne du Barry », c’est le récit historique du destin d’une roturière qui devient la favorite de Louis XV, une sorte de conte de fée pour cette fille venue du ruisseau. Tourné au château de Versailles, ce drame historique en costumes d’époque et perruques poudrées a coûté 35 millions d’euros. Il oscille entre, précisément, une reconstitution fidèle et un modernisme qui rappelle un peu le « Marie-Antoinette » que Sofia Coppola avait présenté à Cannes en 2006.
Maïwenn en conférence de presse
Maïwenn, la réalisatrice bien connue pour ses précédents films, parfois montrés à Cannes, comme « Le bal des actrices », « Polisse », « Mon Roi » ou « ADN », explique, en conférence de presse cannoise, sa recherche de cet équilibre entre ces deux aspects :
« Quand j’ai commencé à écrire ce film, un projet auquel je tenais depuis dix-sept ans déjà, j’ai revu des films sur Marie-Antoinette et les rois de France de cette époque. J’ai été impressionnée par les dialogues foisonnants. Mais je me suis dit que le réalisateur devait surtout imposer son idée, son regard, sans se laisser impressionner par l’Histoire. Et je voulais que les acteurs soient justes dans leurs dialogues, que ceux-ci soient intemporels et vivants. Il fallait respecter l’époque mais aussi les acteurs. A Versailles, la spontanéité n’était pas bien perçue. C’est ça aussi que je voulais faire ressortir ».
Sur le fond du récit, on s’attendait à un film plus orienté sur l’ascension fulgurante de cette roturière au caractère entier. Au lieu de cela, Maïwenn privilégie la légèreté de sa relation, sans complexe, à la fois ludique et amoureuse, réellement amoureuse, avec le Roi de France. Elle s’amuse du brouhaha des courtisanes de la Cour et se moque des jalousies qu’elle suscite.
« Je voulais surtout montrer son amour réel pour le Roi, son tempérament, sa vie à Versailles. Je ne voulais surtout pas faire un biopic sur Jeanne du Barry.
Quid de Johnny Depp ?
La question que tout le monde se pose porte évidemment sur le choix d’un acteur américain, Johnny Depp, pour incarner un Roi de France. « Quand je l’ai rencontré, je me suis aperçue qu’il connaissait déjà énormément de choses sur l’histoire de France mais aussi sur la peinture, la musique, le cinéma. J’ai découvert quelqu’un de très curieux et ça a tout de suite été une évidence, pour moi ».
Et son français ? « Sa prononciation était parfaite, s’amuse la cinéaste-actrice. Même sur les « r » où les Américains ont plus de mal, il était très bien. Il avait plus de difficultés à trouver les bons mots, le vocabulaire adéquat ! »
Aux Etats-Unis, Johnny Depp est victime d’une campagne de presse de dénigration dans le cadre de son sulfureux procès en divorce. Sa présence à Cannes, en ouverture du Festival, ne plaît pas à tout le monde. « Je ne lis pas la presse, je n’écoute pas la radio et je ne regarde pas la télévision, rétorque Maïwenn. Ce film, présenté ici à Cannes, c’est un long voyage qu’on a fait ensemble, avec toute l’équipe. Tout ce qui m’importe, c’est d’être ici au Festival. Et je suis très heureuse ».
La critique est mitigée
Au-delà de ces polémiques vaines, que penser du film, finalement ? Si l’équilibre entre le respect de l’Histoire et un aspect plus contemporain, dont Maïwenn a parlé, est plutôt bien atteint, le film semble par moments tourner au catalogue des us et coutumes ridicules de Versailles.
Et on demeure plus sceptique sur d’autres choix, en particulier sur le choix d’un acteur américain très connu pour incarner un Roi de France. Johnny Depp apparaît ici tel un chapon mou et engraissé qui semble se demander chaque matin au réveil, ce qu’il fait dans un tel bal costumé ! Tout comme Pierre Richard pour ainsi dire privé de dialogues, fait plutôt pitié dans le rôle du Duc Richelieu.
Maïwenn, plus resplendissante que jamais dans le rôle-titre, semble vraiment s’amuser comme une enfant dans la cour des grands. Et Benjamin Lavernhe, pensionnaire de la Comédie Française, dans le rôle du valet du Roi, le nommé La Borde, signe une prestation remarquée et remarquable.
Enfin, que dire des filles du Roi caricaturées à l’extrême dans des scènes assez redondantes ? Plus étonnant : ce film est coproduit par "Les Films du Fleuve", la société de production des frères Dardenne.
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