L’un des temps forts annoncés de ce 77e Festival de Cannes, c’était le grand retour de Francis Ford Coppola en compétition, quarante-cinq ans après sa Palme d’or pour « Apocalypse Now », en 1979. On croyait qu’il avait définitivement cédé le relais à sa fille, Sofia. Et bien non, le « Parrain » du cinéma américain est toujours bien vivant ! Accompagné de son film, Roman, et sa petite-fille, Romy.
Le projet de ce film « Megalopolis », il le porte depuis quarante ans. « C’est le projet de toute une vie » comme il se plaît à le dire. Il a fini par l’auto-financer pour un coût total de 120 millions de dollars, allant même jusqu’à hypothéquer ses propres vignobles en Californie !
Au lendemain de l’accueil glacial de « Megalopolis » en projection officielle, le cinéaste âgé de 85 ans s’est présenté devant les journalistes pour la traditionnelle conférence de presse. Appuyé sur une canne, la démarche mal assurée, Francis Ford Coppola faisait peine à voir à son entrée dans la salle. Mais tout juste installé devant son micro, il retrouvait toute sa verve. Pour notre plus grand bonheur !
Mais revenons-en au commencement de tout film, son histoire : alors que la ville de New York vient d’être dévastée par une catastrophe, un jeune architecte ambitieux nommé César, Adam Driver à l’écran, projette de reconstruire une ville tournée vers l’avenir, une ville presque utopique. Mais le Maire corrompu de la ville n’en veut pas. Lui qui, par ailleurs, est le père de la jeune Julia, l’actrice Natalie Emmanuel, dont César est l’amant.
Quel message de Coppola nous délivre-t-il avec cette histoire ? Qu’à l’instar de la chute de la Rome antique, notre monde occidental court à sa perte. Coppola évoque ainsi une Amérique dont les valeurs cardinales semblent avoir cédé la place à la dictature de l’individualisme et du capitalisme à tout crin.
Et il s’en explique : « Le parallèle entre notre société occidentale d’aujourd’hui et la Rome antique est flagrant. Et c’est notre rôle à nous, les cinéastes, les artistes, de montrer cela. Cela doit aider les jeunes à prendre conscience du déclin de notre civilisation occidentale ».
Certes, la comparaison n’est pas dénuée de sens ni d’intérêt. Encore faut-il voir comment Coppola nous la propose à l’écran. Et là, la déception est grande, à la hauteur de l’attente suscitée, probablement. Car oui, face à cette opiniâtreté pleine de panache de Coppola et à pareille audace créative chez un monsieur de 85 ans, on avait vraiment envie d’aimer son « Megalopolis ».
Mais l’histoire de ce jeune architecte mégalomane déçoit : Coppola nous sert une sorte d’opéra décadent louchant vers le cinéma de Terry Gilliam et son obsession du temps, empruntant à Baz Luhrmann les couleurs surexposées de son univers visuel et au « Babylone » de Damien Chazelle son contenu décadent.
Au-delà de cette exubérance formelle, on se perd et on s’ennuie dans ce « Megalopolis » où il se passe tant de choses avec tant de personnages sans qu’on soit sûr d’avoir bien tout compris. Et que penser de certaines répliques pour le moins audacieuses comme ce « to be or not to be » qu’Adam Driver parvient, miraculeusement, à sauver du ridicule !
L’ensemble se révèle donc indigeste et ennuyeux. Si bien qu’on avait vraiment de la peine pour celui qui reste un très grand Monsieur du cinéma mondial.
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