Pour une fois, la Palme d’or a été décernée à l’un des films favoris, cités par la presse et nombre de festivaliers dans leurs pronostics, le film « Anora » de l’Américain Sean Baker.
« Anora », c’est la rencontre, tout aussi torride qu’improbable, entre deux jeunes, pure création du néocapitalisme sans frontières, une strip-teaseuse new-yorkaise et le fils un peu foufou d’un oligarque russe. Ce qui devait être un conte de fées vire toutefois à la comédie d’action avec son lot de gardes du corps hauts en couleurs et bagarres rocambolesques proches de l’univers de Tarantino.
Ce film plein de frénésie et de burlesque a, en tout cas, déclenché plus d’un fou rire en projection. Et dans le rôle de la jeune strip-teaseuse, l’actrice américaine Mikey Madison, débordante de vitalité, crève l’écran.
Son réalisateur, Sean Baker, en a profité pour rendre hommage à toutes les travailleuses du sexe tout en encourageant les cinéastes à faire des films pour qu’ils sortent en salles.
Sorte de Palme d’Argent, le Grand Prix va à « All we imagine as Light » de la réalisatrice indienne Payal Kapadia qui nous offre une vision féministe de l’Inde d’aujourd’hui à travers le parcours volontaire de deux infirmières qui, l’espace d’un séjour au bord de la mer, espèrent échapper au carcan de la société indienne tout en laissant enfin libre cours à leurs désirs.
Attendu par toute la presse française pour conquérir une deuxième palme d’or, Jacques Audiard et sa comédie musicale « Emilia Perez » doit se contenter d’un prix du jury, sorte de palme de bronze, tandis que, fait inédit au palmarès cannois, l’ensemble des actrices de son film se partage un prix d’interprétation féminine cent fois mérité et remis à l’emblématique actrice transgenre, Karla Sofia Gascon.
Attendu aussi comme possible palme d’or, l’Iranien Mohammad Rasoulof en exil reçoit un prix spécial du jury pour son film « Les graines du figuier sauvage », un prix attribué par le jury cannois en considération de la situation subie par tant d’Iraniens et Iraniennes sous le joug du pouvoir autoritaire de la République islamiste, ce que le film dénonce. Le réalisateur a d’ailleurs rappelé combien d’intellectuels, artistes ou journalistes croupissent encore en prison dans son pays, sans aucune justification.
Le prix de la mise en scène a été attribué à « Grand Tour » de Miguel Gomès, un cinéaste portugais qui fait un peu figure d’invité surprise au palmarès avec son voyage au cœur de la Birmanie sur les pas de deux britanniques qui devaient se marier, s’évitent puis se poursuivent dans un univers parfois hostile.
Quant au prix du scénario, aussi très convoité, il a été décerné au film français « The Substance » de Coralie Fargeat alors qu’on l’attendait plutôt à la mise en scène, avec cette histoire pleine d’hémoglobine à la Cronenberg d’une femme proche de la retraite (Demi Moore) qui se dédouble pour retrouver sa jeunesse perdue grâce à l’injection d’un mystérieux produit.
C’est un autre invité surprise qui referme le palmarès, l’acteur Jesse Plemons du film « Kind of Kidness » du cinéaste grec Yorgos Lanthimos : il reçoit le prix d’interprétation masculine pour les personnages successifs qu’il incarne dans les trois volets du film, face à un Willem Dafoe manipulateur.
Après douze jours où se sont enchaînés vingt-deux longs métrages en compétition et tant d’autres dans les sélections parallèles, un constat s’impose : alors que le combat des femmes pour plus d’égalité, de considération et de liberté d’expression a occupé le devant de la scène souvent avec à-propos, que de seins nus et de fesses rebondies, de scènes de sexe, parfois violentes, ont envahi les écrans film après film.
Sans parler des montées des marches sur fond de tapis rouge avec sa cohorte de femmes aux tenues de soirée toujours plus enjôleuses et suggestives, sous couvert de glamour et de vitrine de la haute couture… Paradoxe à méditer.
Un dernier mot enfin pour saluer la Palme d’Or d’honneur remise par le Festival à Georges Lucas des mains de son ami de toujours, Francis Ford Coppola. Voire réunis sur la scène du Palais des Festivals pour des clichés inoubliables ces deux monstres sacrés du cinéma à qui l’ont doit tant et tant d’heures de bonheur cinématographique, avait quelque chose de vraiment émouvant.
Avec une Palme d’or remise à un cinéaste américain, c’est peu dire si le 77e Festival de Cannes a fait la part belle au cinéma d’Outre-Atlantique.
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