Carole Bouquet, c’est à la fois l’actrice révélée à tout juste vingt ans à l’affiche de « Cet obscur objet du désir » de Luis Buñuel, en 1977, que l’élégance à la française, égérie de la maison Chanel, image emblématique du parfum N°5 durant de nombreuses années.
En 1990, elle remporte le César de la meilleure actrice pour son rôle dans « Trop belle pour toi » de Bertrand Blier.
Présidente du jury du 9e Festival International du Film de Comédie de Liège, Carole Bouquet a rencontré le public liégeois ce dimanche en début d’après-midi, dans ce magnifique écrin de la musique classique qu’est le Conservatoire de Liège.
C’est donc sous la direction de Buñuel, dont ce fut le dernier film, que Carole Bouquet a fait ses premiers pas au cinéma, en 1977, une première expérience fondatrice pour la suite de sa carrière :
« Sur les Champs-Élysées, je suis tombée sur un copain espagnol qui m’a dit qu’il cherchait une actrice. La production m’a vue deux fois et on m’a fait savoir que je ne ferai pas le film. Pourtant Maria Schneider avait été engagée. Mais plus tard, ils m’ont envoyé un scénario avec un billet d’avion pour l’Espagne avec départ immédiat. Buñuel ne voulait plus travailler avec Maria. Je n’y croyais pas », commente Carole Bouquet encore toute amusée par de tels souvenirs.
« Il y avait une deuxième comédienne, espagnole, Angelina Molina, plus jeune que moi, dix-huit ans, qui passait aussi des essais. Ce qui est fou, c’est que Buñuel a choisi de nous confier le même rôle à toutes les deux. Sans rien changer au scénario initial ! Personne n’a jamais vu qu’on était deux, on avait les mêmes costumes, les mêmes maquillages… Même des professionnels aguerris du cinéma n’y ont vu que du feu ! »
C’est aux côtés de Gérard Depardieu, Jean Carmet et Bernard Blier que Carole Bouquet a tourné dans « Buffet froid » de Bertrand Blier. Elle se souvient :
« Qu’est-ce qu’on a ri, à en pleurer ! Je les conduisais dans des tournants sans porter mes lentilles, en leur faisant croire que je ne savais pas conduire. C’était faux : j’ai passé le permis le jour de mes 18 ans, trop pressée de m’émanciper de ma famille, de Neuilly, de toute cette austérité ».
Jean-Pierre Rassam a été le compagnon de Carole Bouquet de 1978 à 1985. Avec lui, elle a eu un fils, Dimitri Rassam, né en 1981. Carole Bouquet raconte leur rencontre.
« J’avais 21 ans, dans un bureau avec Alain Sarde, le producteur, et Jean-Luc Godard. Durant vingt bonnes minutes ni l’un ni l’autre n’ont parlé. J’aurais voulu rentrer sous terre. Puis un monsieur qui marchait comme Charlie Chaplin est entré dans le bureau et s’est mis à parler. Ce type m’a sauvée. Je ne savais pas du tout qui c’était »
« En sortant du rendez-vous, il m’invite à dîner le soir-même. J’y vais, troublée. Et il ne vient pas. À la place, à table, il y a quatorze personnes, mais pas lui. Il faisait toujours ça. Puis nous sommes descendus à Cannes. Un soir, il m’a invitée sur le bateau de Francis Ford Coppola. C’était l’année d’Apocalypse Now, palme d’or 1979. Et je suis tombée folle amoureuse de lui ce soir-là »
« On était en Toscane, à Florence, c’est là que j’ai reçu le coup de fil pour faire le James Bond, « Rien que pour vos yeux ». J’avais déjà refusé un James Bond, une première fois. J’avais peur d’être cataloguée à vie comme la très jolie fille. Mais ils me redemandaient. Cette fois, Jean-Pierre m’a poussée à le faire »
« Je l’ai donc tourné, ce James Bond, « Rien que pour vos yeux », poursuit Carole Bouquet. Mais je m’y emmerdais un peu. J’étais une jolie plante et c’est très ennuyeux à jouer la seule beauté. Après mon dernier jour de tournage, j’ai filé à Prague pour commencer le tournage du film « Le Jour des idiots ». C’est une drôle d’expérience : passer dans la même journée d’un James Bond à un film baroque de Werner Schroeter »
Chez Carole Bouquet, le charme est comme une seconde peau, commente Cathy Immelen, la spécialiste cinéma de Vivacité, venue rejoindre Philippe Reynaert et Carole Bouquet sur la scène du Conservatoire de Liège.
« J’avais un peu peur d’ajouter une image de plus, toujours en lien avec les critères de beauté, confesse l’actrice. J’ai donc d’abord refusé d’être l’égérie de Chanel. Puis le directeur artistique est revenu que j’avais vingt-huit ans. Et là, j’ai accepté »
À noter que Carole Bouquet vient de tourner, aux côtés de Lambert Wilson, autre invité de marque du Festival du film de comédie de Liège, cette année, dans une série, « La Maison », produite par Appel TV+, une plongée précisément dans les coulisses du monde de la mode.
« J’y suis horrible, d’une méchanceté incroyable. On rectifiait mon maquillage toutes les dix secondes, une horreur ! Aujourd’hui, la mode est une affaire d’industrie mondiale, je n’y retrouve plus du tout la même ambiance qu’à mes débuts. À vrai dire, précise encore Carole Bouquet, je ne suis pas la mode pour la mode, j’essaie que mon aspect vestimentaire me corresponde, voilà tout ».
C’est « Grosse fatigue » de Michel Blanc qui a offert à Carole Bouquet son premier rôle de comédie. « C’est lui qui m’a donné goût à la comédie, explique encore la comédienne. Je connaissais Michel depuis déjà une vingtaine d’années. Je le savais hypocondriaque. Il n’aimait pas la lumière, les jardins, surtout en ville. Un beau jour, il m’a dit : « Il y a quelque chose qui ne va pas du tout : la femme que je vois à l'écran n'est pas la même que celle avec qui je discute ».
Je garde un souvenir magique de ce tournage, plein de rire et de complicité.
Et d’ajouter : « En Belgique, vous avez de très bons acteurs de comédie. À commencer par Benoît Poelvoorde. J’ai une folle admiration pour lui et pour François Damiens ».
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