"Les deux pièces qui semblent apparaître sur les yeux du corps imprimé sur le célèbre linceul de Turin datent de l'an 29, c'est certain", enquête inédite du Dr Agostino Sferrazza, médecin de famille, numismate liégeois spécialisé en monnaies romaines. Qu’est-il écrit sur ces pièces ? Comment ces pièces ont-elles été datées ? Enquête au micro de Jacques Galloy.
Agostino Sferrazza est médecin de famille bien connu sur les hauteurs de Liège. Il est passionné de numismatique, l'étude des monnaies et des systèmes monétaires. La numismatique offre également un regard sur l'économie. Il a réalisé une enquête approfondie en 2016-2017 sur les pièces de monnaie qui apparaissent sur les yeux du corps imprimé sur le suaire de Turin. Ces pièces, détectées dès 1978 lors d'une étude approfondie du suaire par une équipe multidisciplinaire, ont suscité son intérêt.
Dans l’Antiquité, la coutume des Juifs était de mettre une pièce de monnaie dans l’orbite des personnes qui étaient ensevelies. En 1979, les chercheurs identifient sur l’oeil gauche le décalque d’une pièce de monnaie. Elle porte ces lettres écrites en grec : TIBERIOY KAICAPOC (Tiberius Caesar). Cette pièce provient donc du premier siècle. En 2017, le Docteur Agostino Sferrazza découvre que sur le décalque de la pièce de monnaie de l’oeil droit se trouve une crosse qui correspond à une monnaie frappée par Lentulus. C’était le consul romain de Palestine en 26 après Jésus Christ. Le Christ a été crucifié en l’an 33. On y distingue L pour "année", I pour "dix", S pour "six". Cette date est donc la 16° année du règne de Tibère, qui a commencé en 14 (le 17 septembre). Ce lepton a donc été frappé en 29 de notre ère, sous l’égide du Préfet de Judée de 26 à 36, Ponce Pilate. Cette pièce était donc monnaie courante au moment de la crucifixion du Christ.
Le Docteur Sferrazza poursuit: “C'est cette découverte qui m'a passionné, et j'ai entrepris des recherches approfondies sur ces pièces, les situant précisément dans le temps et sous l'autorité de Ponce Pilate. Il est fascinant de penser qu'une monnaie datant de l'an 29 de notre ère puisse être associée au suaire, mais nous devons rester prudents. Bien que certains prétendent voir ces pièces sur le suaire, il est difficile de confirmer ces observations. En tant que scientifique, je suis habité par le doute et je m'efforce de mener des recherches rigoureuses. Cette quête de vérité s'inscrit également dans une démarche spirituelle, nourrie par le questionnement propre à ma foi chrétienne. En résumé, ma passion pour la numismatique m'a conduit à explorer le suaire de Turin, mais je reste conscient des limites de nos connaissances et de l'importance de maintenir un esprit critique dans mes recherches.”
Selon la tradition, Joseph d'Arimathie aurait enveloppé le corps du Christ dans un linceul après sa crucifixion, ce linceul étant plus tard connu sous le nom de « Saint suaire ». Abgar V Oukama, roi d'Édesse (aujourd'hui Urfa en Turquie), qui se serait converti au christianisme au début du premier siècle, aurait possédé le suaire après avoir été guéri de la lèpre par son contact avec celui-ci. Lorsque son successeur est retourné au paganisme, les chrétiens de la ville auraient caché la relique dans une niche pendant cinq siècles. Entre 525 et 544, lors de travaux de reconstruction après une inondation, le suaire aurait été découvert. Selon l'écrivain grec Évagre le Scholastique (527-600), le voile « acheiropoïète », c'est-à-dire non fait de main d'homme, présente un portrait de Jésus. En 726, malgré l’occupation musulmane, sa présence à Edesse est signalée par Saint-Jean de Damascène. Le 15 août 944, les Byzantins, qui la nomment mandylion (mot grec désignant une robe ecclésiastique), l'auraient reprise aux musulmans, alors maîtres d’Edesse, et le ramènent en grande pompe à Constantinople. Le suaire serait demeuré à Constantinople jusqu'au 12 avril 1204, jour du premier sac de la ville par les croisés. Dès ce moment, le tissu serait revenu en Europe occidentale, aurait beaucoup voyagé puis resté dans la famille des ducs de Savoie. Le 16 septembre 1578, il est transporté à Turin, nouvelle capitale de la Savoie. Le 28 mai 1898, l'avocat italien, Secundo Pia, fut autorisé par le roi d'Italie à prendre la première photographie du Linceul de Turin. Le négatif, montrait un luxe de détails invisibles jusque-là: sur la plaque de verre surgit en effet, non la silhouette pâle et floue que présente le suaire, mais l'image nette d'un homme d'une impressionnante beauté. Toute la recherche scientifique a alors débuté avec les technologies les plus avancées.
Le suaire de Turin suscite des débats passionnés, mais pour lui, en tant que croyant, sa véritable identité ne nécessite pas de preuve matérielle. Malgré les recherches intensives menées sur le suaire, son mystère persiste et ne pourra jamais être entièrement élucidé. Cependant, son caractère fascinant réside dans sa capacité à stimuler notre réflexion et à susciter des débats sans fin. Certaines personnes y voient une preuve de l'existence de Jésus, tandis que d'autres le rejettent comme une supercherie. Pour les chrétiens, la foi en Jésus dépasse largement la nécessité de preuves matérielles telles que le suaire. Malgré tout, les recherches scientifiques sur le suaire peuvent apporter des connaissances précieuses dans divers domaines, ce qui rend cette quête scientifique intéressante et constructive. Cependant, il est important de reconnaître que le suaire échappe encore largement aux explications scientifiques, car son processus de formation reste un mystère non résolu, indépendamment de son âge. En fin de compte, le suaire reste un objet d'étude fascinant qui continue de défier notre compréhension, tout en nous incitant à explorer les limites de la science et de la foi.
“Les recherches sur les monnaies associées au suaire de Turin m'ont initié à son histoire”, dit le numismate. “ nitialement, je n'avais pas l'intention de m'engager dans un débat sur son authenticité. Le suaire, avec ses multiples récits et interprétations à travers les âges, continue de fasciner. Mais la question de savoir si ce tissu est celui mentionné dans les Évangiles reste une énigme sans réponse.” Enregistrée un Vendredi Saint, cette émission coïncide curieusement avec les événements bibliques entourant le suaire, mais il est réticent à y voir une providence divine. Pour lui, les faits rapportés dans les Évangiles suffisent à nourrir sa foi, et il ne cherche pas à établir de lien entre ces événements historiques. Le mystère du suaire persiste malgré les spéculations, et son parcours depuis Constantinople jusqu'à Turin est un récit fascinant. Pour Agostino, l'important, dans notre époque contemporaine, est de reconnaître les débats entourant le suaire sans perdre de vue les enseignements spirituels qu'il suscite. Il évoque le pape Jean-Paul II, qui avait qualifié le suaire de Turin de "provocation à l'intelligence". Il explique : “il avait parfaitement raison, car le suaire soulève davantage de questions qu'il ne fournit de réponses. Je considère que l'approche prudente de l'Église à cet égard est respectable, et cela a toujours été le cas.”
Pere Francis Filas, SJ, mathématicien, physicien et theologien, professeur à la Loyola University de Chicago, décédé le 15 février 1985 à l’age de 69 ans.
Une technique utilisée pour agrandir ou modifier des images est celle de la transformation en images tridimensionnelles, une méthode qui peut être appliquée aux images reçues par satellite ou lors d'explorations spatiales. Cette transformation repose sur la manipulation des ombres, de la lumière et des empreintes visibles. Par exemple, dans l'étude du suaire de Turin, un membre de l'équipe de recherche Sturp, le Père Filas, a utilisé cette technique pour observer des détails à hauteur des yeux qui semblaient correspondre à une monnaie. En tant que numismate, il a fait le lien avec un lepton, une petite monnaie émise en Judée au temps du Christ sous l'autorité de Ponce Pilate. Cette monnaie peut être datée avec précision, ce qui permet d'établir un lien temporel significatif. Bien que cette monnaie ait été frappée en 29 après Jésus-Christ, elle a pu être utilisée sur une période plus longue. En analysant les détails de cette monnaie, comme la crosse figurant sur l'envers, on peut confirmer son identification. Cette approche combine la technique de transformation d'images avec une expertise numismatique pour une compréhension approfondie des objets historiques.
l’étude du Dr A. Sferrazza “la pièce de Dieu”, 2017 : https://www.academia.edu/32439088/La_pi%C3%A8ce_de_dieu_2017
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