1848 fut une année mouvementée pour le jeune état belge et ses voisins. Elle fut d'une certaine manière l'année du roi. Voici le titre de l'ouvrage de François Roelants du Vivier paru aux éditions Mols et qui nous présente aujourd'hui une relecture des événements qui ébranlèrent la France en 1848 et sa réaction dans une Belgique où Léopold Ier régna de 1831 à 1865.
Revenir sur les événements de 1848, c'est d'abord découvrir des personnages, à l'exemple de Charles Rogier, le prince de Ligne, Alphonse de Lamartine, la reine Louise elle-même, et bien évidemment le premier souverain de notre pays. François Roelants du Vivier publie "L'année du Roi 1848, Léopold 1er, l'apogée d'un règne".
François Roelants du Vivier : Oui, la Belgique est un Etat stable et cela semble à première vue étonnant quand on pense que la Belgique, lorsqu'elle devient indépendante en 1830, est montrée du doigt pour sa constitution considérée comme trop démocratique par la plupart des États européens dominées principalement par des monarchies. On pense que la Belgique ne va pas durer longtemps, que cette constitution ne permettra pas au roi de pouvoir exercer véritablement son pouvoir. Certains vont jusqu'à dire - comme le prince de Talleyrand-Périgord, diplomate français bien connu - : "la Belgique n'est pas une nation, mais une notion”.
En 1848, le Printemps des peuples déstabilise l'Europe. Beaucoup de peuples se soulèvent contre l'autoritarisme des monarchies et souhaitent obtenir des libertés que nous connaissons (liberté d'association, liberté de la presse...). Tout cela évidemment n'existe pas dans cette Europe monarchique, à l'exception d'un petit pays qui s'appelle la Belgique et qui a réussi cet exercice difficile de concilier à la fois la stabilité politique et la garantie des grandes libertés fondamentales inscrites dans la Constitution.
F. R. : On la doit d'abord à cette constitution libérale qui répond aux demandes et aux besoins de l'époque. On la doit évidemment à des hommes d'état belges qui sont sages, raisonnables malgré leur âge ; je pense en particulier à Jean-Baptiste Nothomb, un homme de 25 ans qui est le principal acteur et le rédacteur de la Constitution belge. Nous avions la chance d'avoir un personnage d'envergure - Léopold Ier - qui avait un considérable carnet d'adresses, et déjà eu dans sa carrière d'homme d'Etat beaucoup d'expériences (militaire, et politique). Il ne faut pas oublier qu'il a été le mari de la princesse de Galles, Charlotte.
Lorsque Léopold Ier fut approché par les Belges qui se cherchaient un roi, il ne faut pas oublier qu’il a débarqué dans une jeune nation où la constitution avait déjà été écrite. Il a hérité de cette structure constitutionnelle. Cette charte fondatrice va aussi beaucoup l'étonner parce qu'il trouvera lui-même que celle-ci est “bien démocratique”, ce qui n'est pas un compliment de sa part.
Dès le début de son règne, le souverain a été tout d'un coup surpris par l'armée hollandaise qui envahit le pays à peine celui-ci eut-il déclaré son indépendance, il a dû donc se comporter en chef militaire. C’était sans compter sur une remarquable expérience en tant que général dans l'armée russe… qui lui a permis de contenir l'invasion et d'avoir les bons réflexes de la science militaire. Le fait de s’investir en tant que chef militaire n'était pas inscrit dans la constitution le concernant. D’autre part, cette personnalité disposant d’un entregent formidable, sera un atout de taille dans l’exercice des affaires étrangères, au grand dam de ses ministres désolés de ne pas avoir les pareilles qualités. Comment remplacer en effet un homme au carnet d'adresses s’adressant à toutes les puissances d’Europe, parmi lesquelles l'Angleterre et son pouvoir royal dominé par la reine Victoria, dont il était l’oncle ?
La Belgique d'alors est libérale et connaît une révolution industrielle florissante, en particulier en Wallonie, où les charbonnages et les usines tournent à plein régime. Le chemin de fer se développe largement. A l'inverse, la Flandre est à la traîne, encore marquée par une culture agricole et des manufactures textiles non modernisées.
F. R. : En 1848, le roi se rend compte que cette constitution aura permis à la Belgique dans son ensemble d'échapper au mouvement révolutionnaire que l'on peut constater dans tous les pays avoisinants, à commencer par la France. Lorsque la révolution éclate en France, on est en plein changement politique en Belgique, c'est-à-dire que l'on passe d'un système qui avait très bien fonctionné pendant les 15 premières années de l'indépendance, ce qu'on appelle l'unionisme, à savoir le rassemblement des deux grands partis catholique et libéral.
Le roi a dû en effet s'accommoder d'une constitution qu'il trouvait très libérale. Mais en 1848, il va se rendre compte que cette constitution aura permis à la Belgique dans son ensemble d'échapper au mouvement révolutionnaire que l'on peut constater dans tous les pays avoisinants, à commencer par la France.
On assiste à un moment de bascule où c'est le parti libéral va l'emporter, et va d'ailleurs au cours de l'année 1848 conforter la majorité, avec un personnage vraiment intéressant, Charles Rogier. Par rapport à d'autres leaders libéraux il est certainement quelqu'un de pragmatique et modéré comme Frère Orban. Charles Rogier, par sa personnalité, arrive à rassembler autour de lui un grand éventail politique, y compris dans les rangs du parti catholique, qui ne mène pas une opposition virulente à son égard.
F. R. : Il va faire évoluer le corps électoral vers une plus grande représentativité. Aux yeux d'aujourd'hui, ça représenterait peu de choses. Ça évolue par le fait que le vote est censitaire, c'est-à-dire basé sur le montant de l'impôt payé par les citoyens. Ce groupe électoral représente environ 40.000 personnes s'acquittant de cet impôt, donc peu de personnes à l'échelle de la population de l'époque. Charles Rogier abaissera ce sens électoral jusqu'au minimum prévu par la Constitution, c'est-à-dire en sorte qu'il passera de 46.000 à près de 80.000 électeurs ! Dans la seconde moitié du XIXe, c'est un grand changement.
Cette réforme est à la base d'autres à venir pendant toute l'année 1848. A un moment donné, Léopold Ier observant cette évolution au début de l'année 1848, lorsqu'il apprit la révolution qui s'était produite en France et faisant tomber de son trône son beau-père Louis-Philippe, proposera d'ailleurs de mettre son propre trône dans la balance.
F. R. : C'est un homme qui, quand il est arrivé en Belgique, faisait s'interroger beaucoup de monde sur la personne qu'il était tant il était relativement taciturne et réservé. Quand il s'exprimait, c'était clair et net. L'homme avait de la prestance, de l'autorité. Marié très rapidement avec la fille de Louis-Philippe, celle-ci sera d'emblée adorée par le peuple. Il faut dire que sa présence était appréciée dans toutes les œuvres caritatives. Léopold Ier va profitera de ce aura, en quelque sorte. Il participera à rendre le pays stable et solide.
F. R. : Je pense que Léopold Ier, issu au départ de l'Ancien régime, a su évoluer avec son temps et faire en sorte que les grands principes démocratiques qui apparaissent révolutionnaires en 1830 soient parfaitement intégrés dans la société. Il est devenu à la fois quelqu'un de respectueux de cette charte, tout en intégrant une vision de ce que devait être la Belgique : un pays neutre, indépendant, et exerçant son soft power.
Je pense que Léopold Ier, issu au départ de l'Ancien régime, a su évoluer avec son temps et faire en sorte que les grands principes démocratiques qui apparaissent révolutionnaires en 1830 soient parfaitement intégrés dans la société.
Cette influence culturelle et politique offrira à la Belgique tout au long du 19e siècle la prospérité et la sécurité, au moyen de son armée importante. A sa mort en 1865, son successeur Léopold II gardera en mémoire cette nécessité, et la place de la Belgique lui évitera de devoir s'impliquer dans la guerre de 1870 entre la France et l'Allemagne.
Chaque jour de la semaine, à l'heure du goûter, la rédaction de 1RCF vous offre un temps de rencontres et de découvertes en direct de ses studios à Wavre.
Au programme, des interviews de personnalités issues du monde de la culture, de l’Église, de la politique, de la protection de l’environnement, de l’économie, des mouvements sociaux... Nous prendrons, avec vous et avec eux, le temps de décrypter l’actualité, d'interagir avec nos auditeurs, répondre à leurs questions, et de les accompagner chaque jour pour une tranche de partage, dans la bonne humeur.
C’est l’occasion pour 1RCF d’ aller à la rencontre de son public et d’échanger avec ses auditeurs.
Contact de l’émission : 16.17@rcf.be ou par téléphone de 16h à 17h au +32 (10) 23 59 04, ou sur notre page dédiée à l'émission.
Du lundi au vendredi à 16h03, rediffusions à 23h et à 04h, sur 1RCF Belgique.
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !