Toutes les civilisations considèrent l'homme dans ses trois dimensions : corps, âme, esprit. Toutes, sauf la nôtre, qui maltraite notre dimension spirituelle. Ce que dénonce Michel Fromaget.
Dans notre monde productiviste où l’économie de marché est reine, l’homme est souvent considéré selon ses performances physiques ou intellectuelles. Or l'anthropologie fondamentale nous démontre que l'humain ne peut se réduire à ces deux dimensions, corps et âme (au sens de mental). Pour Michel Fromaget, notre société se montre même "condescendante" à l'égard du spirituel. Et cela n'est pas sans danger. Il est l'auteur de "Corps-âme-esprit - Introduction à l'anthropologie ternaire" (éd. Almora).
Considérer l'homme dans ses trois dimensions corps, âme et esprit est ce que l'on appelle un "invariant anthropologique" : on le trouve "dans toutes les traditions quelle qu'elles soient", sémitique, indo-européenne, chinoise, indienne... "Cette répartition corps-âme-esprit n'est la propriété d'aucune tradition, d'aucune religion, d'aucune époque, d'aucun civilisation, d'aucun auteur." C'est, rappelle Michel Fromaget, "une donnée humaine fondamentale".
L'enjeu c'est l'épanouissement de l'être humain: "L'être humain dans sa plénitude ne s'épanouit certainement pas dans ses deux dimensions" que son le corps et l'âme (c'est-à-dire le mental), mais "à partir du moment où il a accès à sa troisième dimension, que l'on qualifie d'ordinaire de spirituelle". Comme le dit Camus dans "L'homme révolté" (1951), nous sommes habités par une soif d'être.
L'homme, nous dit Michel Fromaget, est "une espèce à métamorphose". À sa naissance il est "homme au sens plein du terme" selon son corps et son mental. Mais "tant que nous vivons simplement à l'étage de notre corps et de notre mental", nous ne menons pas une vie "où nous sommes pleinement humains". C'est d'ailleurs ainsi que l'anthropologue comprend "l'enseignement fondamental du Christ", et notamment ces paroles de Jésus à Nicodème : "Personne, à moins de naître de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu" (Jn 3, 5).
Le corps et le mental : "toute notre civilisation est basée sur cette dualité-là", observe l'anthropologue. "S'il est question d'une autre dimension, elle la traite avec une condescendance déplorable, meurtière même." Considérer la vie spirituelle comme étant "de l'ordre du privé ou de l'accessoire" : c'est là "le procès que l'on peut faire à notre civilisation".
Non seulement notre société ne reconnaît pas l'être humain à sa juste valeur, pour Michel Fromaget, mais elle "fait tout pour le maintenir dans cette vision étriquée". L'anthropologue se dit "très inquiet des directions que prend la civilisation occidentale", qu'il accuse de "falsifier la donne en persuadant l'enfant que cette soif d'être est une soif d'avoir". Il parle d'une "stratégie perverse économique" qui consiste à "transformer cette soif d'être en soif d'avoir" et qui "fait de l'individu une sorte d'esclave".
Dans une civilisation de l'avoir et du savoir, il appelle les sciences humaines "sciences inhumaines". Car "loin de s'intéresser à l'homme", les sciences humaines "s'ingénient à n'étudier l'homme que tel qu'elles le conçoivent, comme un être qui n'a de composantes que mentales ou corporelles". Michel Fromaget se dit "intraitable" à l'égard des "scientifiques qui prétendent réduire le réel qu'ils ne connaissent pas à simplement ce qu'ils sont capables d'en observer".
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