Depuis la parution de son livre "La Vie heureuse", le romancier David Foenkinos dévoile une partie de sa vie personnelle. Et notamment l'expérience de mort imminente (EMI) qu'il a vécue à l'âge de seize ans. Ce moment fondateur a "exacerbé son mysticisme". Et c'est là que s'ancre son "destin" d'écrivain.
Auteur de "La Délicatesse" (2009) ou de "Charlotte" (2014), David Foenkinos nous a habitués à des histoires empreintes de gravité et d’humour, qui accordent une large place à la famille, à la mémoire ou à la beauté… Cette fois, il aborde la mort d’une façon insolite. "La Vie heureuse" (éd. Gallimard), c’est l’histoire d’Éric, ce héros de roman qui a l’idée de créer un centre où les personnes vont pouvoir faire l’expérience de la mort.
Les "cercueil thérapies" existent réellement en Corée du Sud, et c'est ce qui a inspiré David Foenkinos. Là-bas, c’est même un "phénomène", décrit le romancier. Ce sont des sessions thérapeutiques au cours desquelles on peut vivre son propre enterrement. On est amené d’abord à voir son cercueil, à entrer dedans, à y rester quelque temps… couvercle fermé.
Certains disent vivre après cela "une seconde vie, une renaissance", rapporte l’écrivain. David Foenkinos "espère" que le concept arrivera un jour en France… Et si, en Corée du Sud, il n’a pas lui-même tenté l’expérience, c’est "parce que j’ai le sentiment de connaître la mort", explique-t-il.
Cette façon quelque peu insolite d'approcher la mort a de quoi étonner. Surtout que David Foenkinos parlait peu jusqu’à présent de sa vie personnelle. Et notamment de l’expérience de mort imminente (EMI) qu’il a vécue à l’âge de seize ans. Pourtant il le dit : "C’est ce qui a changé ma vie." Et c’est là que s’ancre sa vocation il - parle de "destin" - d’écrivain.
Les EMI, c’est un sujet qui revient plus en plus dans les médias, à mesure des découvertes en neurosciences. Pour David Foenkinos, qui en a vécu une, en parler le "dérange parfois" car "c’est une expérience intime : mais en même temps, la partager, ça a une force". À l’âge de seize ans, à la suite d’erreurs médicales, il s’est retrouvé à l’hôpital pour une grave infection de la plèvre. "Je souffrais physiquement, je brûlais de l’intérieur."
Pendant une prise de sang le jeune homme a perdu connaissance. Il décrit "un évanouissement qui a pris la forme d’une plongée dans un tunnel de lumière. J’ai glissé en arrière… ça a été un moment absolument extatique. Je m’en souviens avec une précision absolue… Je suis parti, parti, parti, j’ai glissé en arrière…" Pourquoi à un moment s’est-il arrêté ? "Ça, c’est le grand mystère de ma vie, dit-il, ce n’était pas mon heure point."
La rencontre avec la mort à 16 ans a totalement exacerbé mon mysticisme
Il y a eu un avant et un après cette EMI dans la vie de David Foenkinos. "La rencontre avec la mort à 16 ans a totalement exacerbé mon mysticisme", confie l’écrivain, qui dévoile le "côté mystique" qui "[le] traverse en permanence". "Je crois en beaucoup de choses, en la prédestination, je crois qu’on peut avoir des visions d’enfance qui viennent peut-être du passé… Je crois aux forces de l’esprit, j’ai le sentiment que l’on peut rencontrer le passé, je crois en la mémoire des murs. Je crois aux signes."
Un peu comme dans un roman de Philippe Modiano, David Foenkinos est hanté par une période qu'il n'a pas connue et éprouve ce sentiment curieux d’avoir vécu avant, d’être une vieille âme. "J’avais 20 ans mais ma mémoire précédait ma naissance" écrit Philippe Modiano dans "Livret de famille". "Il y a quelque chose d’un peu fou et d’un peu mystique", reconnaît l'auteur de "Charlotte".
→ À LIRE : Expériences de mort imminente (EMI) : qu'est-ce que "l'être de lumière" ?
Après son EMI et la très lourde opération qu’il a endurée en 1980, David Foenkinos est devenu un insatiable. De musique, de nature, de peinture, de musées… Et de lectures. Lui qui a grandi sans aucun livre à la maison, une cité HLM à Villejuif, en banlieue parisienne, il s’est mis à lire des classiques, beaucoup de classiques. "J’ai eu envie de lire, j’ai commencé à être dans une boulimie de lecture… Alors que je détestais lire, j’ai eu le sentiment que ma sensibilité était subitement déverrouillée… J’ai compris la beauté de la langue, de manière anodine et instinctive... Ça a été le début de ce long chemin vers la beauté."
Désir de vie et quête de beauté auraient-ils un lien ? "Je pense que tous les gens qui ont été gravement malades, ou qui sont confrontés à des choses extrêmes, ont un rapport de nécessité de beauté ou de consolation", estime David Foenkinos. Dans son livre, le centre de "cercueil thérapie" a pour slogan : "Celui qui contemple la mort est déjà prédestiné à la beauté." Une inversion de la phrase de Thomas Mann : "Celui qui contemple la beauté est prédestiné à la mort." L’idée que porte l’auteur de "La Vie heureuse" est qu’en "se confrontant à la mort" c’est-à-dire à "l’éphémère, la véritable condition des choses" on accède à la beauté...
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