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Découvrir le peuple Himba de Namibie : "j'étais la première femme à vivre avec eux depuis les années 20"

Un article rédigé par Thierry Lyonnet, Amélie Gazeau - RCF, le 15 mars 2022 - Modifié le 17 juillet 2023
VisagesSolenn Bardet , ma vie avec les Himbas de Namibie

Cette semaine nous partons en voyage sur les terres arides du Kaokoland, ce territoire reculé de Namibie où vivent les Himbas. Ce peuple d'éleveurs nomades regroupe 13 000 individus et tente de garder sa culture ancestrale. Solenn Bardet, géographe, ethnographe et documentariste française a été "adoptée" par une famille himba après avoir séjourné pendant quatre ans chez eux. Depuis 2007, elle est porte-parole des Himbas dans le monde. Elle nous partage son quotidien auprès de ce peuple mythique au micro de Thierry Lyonnet.

Solenn Bardet entourée d'une femme de l'ethnie Himba / DRSolenn Bardet entourée d'une femme de l'ethnie Himba / DR

Nous avons tous déjà vu les photos de ces femmes au corps rouges, couverts d'ocre ou peut-être vu sur nos écrans l'émission "Rendez-vous en terre inconnue" avec Muriel Robin en Namibie. Solenn Bardet, elle, a vécu au quotidien avec le peuple himba qui l'a adoptée. Depuis une trentaine d'années, l'ethnographe documente leur mode de vie et leur culture. Plus qu'une simple étude, la documentariste a trouvé chez les Himbas une réelle famille.

 

Partir à 18 ans, seule en Afrique australe

 

La Namibie est un pays d'Afrique australe, qui fait une fois et demi la France entre l'Afrique du Sud, l'Angola et le Botswana et à l'ouest l'océan atlantique. La région qui nous intéresse aujourd'hui le Kaokoland, fait la taille de la suisse et se situe prêt de l'Angola. Le bout du monde pour la jeune Solenn Bardet qui part à seulement 18 ans découvrir cette terre qui, elle ne le sait pas encore, va changer sa vie. "Depuis toute petite j'avais un rêve qui était de partir loin, seule" se souvient-elle. C'est lorsqu'elle voit Mowgli au cinéma, à l'âge de 5 ans qu'elle réalise ce qu'elle veut faire "vivre au milieu des gens, des animaux, dans la nature". 

 

 

En grandissant Solenn Bardet se plonge dans les livres de voyages et d'aventures. Sous la plume de Lawrence d'Arabie, de Karen Blixen qui a inspiré le film "Out of Africa" ou encore de la journaliste Isabelle Eberhardt, Solenn Bardet passe de la jungle indienne à l'Afrique. A l'époque, la fin des années 80, il y a peu de modèles féminins auxquels s'identifier pour la jeune adolescente en quête d'explorations. Malgré tout "le mot Afrique est devenue un mot magique" explique-t-elle poétiquement.

 

A 18 ans elle trouve un billet pour Johannesbourg valable un an, c'est le début de l'aventure pour cette jeune fille qui ne connait rien aux voyages, à l'Afrique et peu de choses à la vie. Arrivée en Afrique du Sud elles rencontrent deux hommes qui lui montrent des photos de femmes himbas, peintes d'ocre et se dit qu'il faut qu'elle aille rencontrer ce peuple. Nous sommes en 1990, la Namibie vient d'acquérir son indépendance et la région de Kakokoland s'ouvre au monde. "Je l'ai appris bien plus tard mais j'étais la première blanche à vivre avec eux depuis les années 20" réalise l'ethnographe.

 

L'extermination des hereros en Namibie, premier génocide du XXème siècle

 

Les allemands sont arrivés dans la région du Kaokoland en 1880. Entre 1904 et 1907, ils ont exterminé environ 80% du peuple herero soit 60 000 individus dans ce qu'on qualifie aujourd'hui de premier génocide du XXème siècle. Les hereros font partis de la grande famille bantou, tout comme les himbas, un sous-groupe de l'ethnie herero. "Il y a pleins d'autres liens à faire entre ce qui s'est passé dans ce qui s'appelait alors le sud-ouest africain allemand, ce qu'on appelle aujourd'hui la Namibie et ce qui s'est passé pendant la deuxième guerre mondiale. Mais les historiens font ce lien de manière assez récente depuis une quinzaine d'années seulement" nous apprend Solenn Bardet.

 

Aussi absurde que cela puisse paraître, les premiers camps d'extermination sont bien apparus en Namibie et ont servi de modèle à l' allemagne nazie. Une histoire trop peu connue aujourd'hui et pourtant fondatrice du XXème siècle. En effet, c'est bien Eugène Fischer, un généticien allemand, qui à partir d'une étude sur les crânes des hereros  a développé les théories raciales allemandes. "C'est cette étude qui aurait inspiré Hitler pour écrire Mein Kampf" précise l'ethnographe. Eugène Fischer a également inspiré Josef Mengele, le terrible docteur des camps de concentration allemands pendant la deuxième guerre mondiale. "Les chemises brunes par exemple, qui ont préfiguré les SS, on les a appelées les chemises brunes car ils ont été habillés avec les restes des uniformes de l'armée allemande en Namibie. Göering par exemple, son père a été le premier gouverneur sud-africain allemand" rappelle la documentariste qui est depuis 2007 porte-parole des Himbas dans le monde.

 

En immersion chez les Himbas en Namibie

 

Pendant 4 ans, Solenn Bardet a passé six mois par an avec le peuple Himbas. "J'étais d'une naïveté et d'un inconscience dans un certain sens mais il ne m'est rien arrivée. Et j'avais cette force là, je crois, de suivre mon instinct et j'étais tellement libre je crois d'être toute seule, qu'il n'y avait absolument rien qui m'empêchait de suivre mon instinct" se souvient-elle.

 

En dormant sous sa tente dans un lit de rivière, lieu de passage pour le peuple semi-nomade des Himbas, Solenn rencontre des enfants. C'est eux qui l'introduiront à leur communauté, les himbas. "Les deux première semaines n'ont pas été évidentes, s'il y avait eu une voiture qui été passée dans l'autre sens les 15 premiers jours je l'aurais prise pour être honnête mais au bout d'un mois j'ai été adoptée" explique-t-elle. Une immersion douce qu'elle raconte dans un superbe livre graphique "Rouge Himba" préfacé par Nicolas Hulot et dessiné par Simon Hureau.

 

La spiritualité Himba, l'importance des anciens

 

L'art de vivre avec rien. C'est ce qui définit au mieux le peuple Himba. Ils portent sur eux tout ce qu'ils possèdent, quelques bijoux et une peau de bête. Les femmes sont enduites d'ocres et de graisse. En théorie les hommes ont le pouvoir mais en pratique ces dernières sont très présentes.  Ils croient en un être suprême, le dieu Mukuru et considèrent que leurs ancêtres sont leurs intermédiaires pour communiquer avec ce dieu. "C'est aussi cela qui explique pourquoi les himbas sont restés si traditionnels. Un himba qui coupe le lien avec ses ancêtres, il coupe aussi le lien qu'il peut y avoir avec le créateur et donc avec l'ensemble du cosmos donc il n'a plus de place sur terre, c'est quelque chose de très grave" explique Solenn Bardet. 

 

Au niveau de la filiation chaque Himba a un "patri-clan" et un "matri-clan". "Le patri-clan décide de tout ce qui est spirituel et politique [...] le matri-clan lui décide de tout ce qui est économique, c'est à dire la transmission du troupeau principalement" explique Solenn Bardet. 

Transmettre et documenter cette culture ancestrale, c'est l'objectif quotidien de Solenn Bardet qui depuis trente ans maintenant a trouvé en Namibie une nouvelle famille : les himbas. 

 

 

 

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