Pendant près de 30 ans, Dominique Roques a été sourceur au service de grandes marques de parfumerie. Un métier méconnu et passionnant qui l’a emmené aux quatre coins du monde à la recherche d’odeurs exceptionnelles. Il raconte ses rencontres surprenantes et odorantes.
D’aussi loin qu’il se souvienne, la première odeur qui a marqué Dominique Roques c’est la "combinaison d’odeurs de forêt et de muguet". Une attirance pour la forêt qu’il doit sûrement à son père, bûcheron aux États-Unis pendant de nombreuses années. Son amour de la forêt est tel qu'il a fait de ce milieu naturel son cadre de travail en devenant sourceur. Et ce, grâce à une rencontre avec des jeunes Landais, désireux de distiller de l’essence avec des aiguilles de pin des Landes. Depuis, il a parcouru de nombreux pays pour ramener les meilleures matières premières possibles aux parfumeurs avec lesquels il travaillait. Une aventure qu'il raconte dans "Le Parfum des forêts - L'homme et l'arbre, un lien millénaire" (éd. Seuil, 2023).
Que ce soit en Indonésie pour aller chercher du patchouli, en Inde pour le jasmin et le santal ou encore en Haïti pour le vétiver, le métier de sourceur l’a conduit dans des forêts et des plantations magnifiques et parfois reculées. C’est notamment le cas du Somaliland, un territoire indépendant de la Somalie mais non reconnu par les Nations unies. "Il m’a fallu des années pour y aller. Pour ça il faut un partenaire solide sur place qui soit capable de résoudre les différents obstacles qu’il y a pour un Occidental d’aller là-bas", raconte-t-il. Pour se rendre jusque sur la terre de l’arbre à encens, le sourceur a même dû être accompagné par deux gardes armés chacun d’une kalashnikov. Un contexte hostile qui ne l’a pas empêché de s’émerveiller devant "la beauté et la puissance des larmes du lait" des arbres à encens.
Quand Dominique Roques parle de son métier de sourceur, les superlatifs ne manquent pas. "Plus que simplement une affaire de parfum, pour moi c’est le sentiment de rencontrer l’histoire de l’humanité", s’enthousiasme-t-il. La découverte des forêts de cèdres au Liban (en grande partie déforestées) a ainsi été pour lui l’occasion de voyager dans le temps et l’espace. En effet, cette odeur de cèdre lui évoque la "naissance du parfum" autour de la rencontre du roi Salomon et de la mystérieuse reine de Saba, avec le mélange de l’odeur du cèdre utilisé pour la construction du temple et celle de l’encens ramené en cadeau.
Au-delà de la magie des odeurs des différentes essences de fleurs et de bois, c’est bel et bien les rencontres qui le marquent. Que ce soit avec Gigi, "la reine de la vanille à Madagascar" ou avec Francis, un ingénieur agronome qui a tout plaqué pour ouvrir une société de culture de benjoin au Laos. "Pour moi dans l’univers du parfum, il est l’inventeur du développement durable, affirme Dominique Roques. Avec 15 ans d’avance, il avait compris comment notre métier finirait par reconnaître l’importance vitale du lien et de l’éthique dans les relations avec les planteurs."
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Faire le lien avec les planteurs, "ce premier maillon essentiel et généralement négligé de la chaîne du parfum", tel était aussi l’objectif de Dominique Roques. "Au bout d’un moment, explique-t-il, c’était absolument frappant de voir la distance entre la cueilleuse de rose en Bulgarie et mes amis maîtres parfumeurs et donc j’ai essayé de me consacrer à réconcilier et faire se rencontrer ces deux mondes."
Souvent, Dominique Roques est parti en voyage avec des "nez", à la "source" des essences. Non seulement ces excursions leur permettaient de décupler leur créativité en leur faisant découvrir l’environnement originel des odeurs, mais aussi cela contribuait également à la prise de conscience de l’importance de ce qu’il se passe à la source, comme le sort des cueilleurs, dont les consommateurs se préoccupent de plus en plus.
Au travers de sa conception du métier et de la publication de ses livres dont "Cueilleur d’essences" (2021) et "Le Parfum des forêts", Dominique Roques se félicite d’avoir "participé à ce mouvement de lever le secret sur les sources de parfum du monde". Et de conclure : "C’est quelque chose de tellement beau, de tellement extraordinaire qu’il faut évidemment les dévoiler et encourager les gens à y aller !"
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