Émilie Dequenne est décédée ce dimanche 16 mars des suites d'un cancer rare. L'actrice belge, âgée de 43 ans, laisse un héritage cinématographique impressionnant. Pierre Germay, animateur de "On se fait une toile", a eu l'occasion de la rencontrer. Retour sur sa carrière et sur quelques moments de partage.
Émilie Dequenne, c'est une cinquantaine de films et téléfilms, deux prix d'interprétation à Cannes, un César et plusieurs Magritte du cinéma. C'était aussi, à en croire les témoignages qui affluent depuis l'annonce de son décès : "une grande Dame".
Émilie Dequenne fait ses débuts au cinéma en 1999 à l'âge de 17 ans dans "Rosetta" des Frères Dardenne. Elle y tient le rôle de Rosetta, une jeune fille qui rêve d'une vie meilleure, mais dont la réalité est marquée par des difficultés financières, des emplois temporaires et une relation conflictuelle avec sa mère.
Au micro de nos collègues de la RTBF, les réalisateurs se rappelaient du premier jour de tournage : "tout le monde a compris que c'était une grande actrice. Elle a soudé toute l'équipe," confie Luc Dardenne. Un premier film qui la propulsera réellement sur le devant de la scène avec un prix d'interprétation féminine au festival de Cannes.
Chose assez exceptionnelle, Émilie Dequenne a reçu deux fois un prix d'interprétation à Cannes. La seconde fois était pour "À perdre la raison" de Joachim Lafosse, alors dans la compétition Un certain regard. Ce n'était que la seconde fois que le jury de cette compétition accordait un prix d'interprétation, explique Pierre Germay, "Mais cette année-là, le jury avait été tellement bouleversé par son interprétation, qu'elle a donc eu ce deuxième prix d'interprétation cannois, 13 ans après celui de « Rosetta »".
Ce film s'inspire de l'affaire Geneviève Lhermitte sans prétendre retracer de manière exacte les faits qui ont mené à l'assassinat des cinq enfants par leur mère. Si les protagonistes vivants de l'affaire réelle se sont indignés du film, la critique a été plus que positive à son sujet. En effet, le film a reçu huit prix (dont trois pour Émilie Dequenne) et a été nommé pour six prix supplémentaires.
Dans le public, Pierre Germay a lui été marqué par une scène précise :
"Lorsqu'au volant de sa voiture, Émilie Dequenne reprend les paroles de la chanson « Femme je vous aime » de Julien Clerc diffusée à la radio : d'abord avec un sourire légèrement voilé, puis son visage s'assombrit, une larme coule, ses lèvres tremblent et elle s'effondre en larmes : quelle actrice. Si je retombe par hasard sur ce film et cette scène à la télévision, j'en ai la chair de poule, à chaque fois."
Au-delà de ses rôles et de ses prix, Émilie Dequenne est restée une personne simple. C'est en tout cas ce qui ressort des nombreux témoignages que l'on peut lire sur les réseaux sociaux ou qui ont été faits dans les médias depuis l'annonce de son décès. C'est aussi l'image qu'elle a montrée alors que la maladie annonçait déjà la fin, comme nous l'explique Pierre Germay :
"Alors que la fin inéluctable approchait, elle s'est confiée en direct sur l'avancement de son cancer, sans détour, elle a partagé ce qu'elle vivait avec simplicité, tout en gardant son sourire qui lui allait si bien. Elle gardait force et espoir."
Pour Pierre Germay, Émilie Dequenne c'est aussi une rencontre, en 2001, alors qu'elle venait présenter "Oui, mais…" au cinéma Le Parc, à Liège.
"À la fin de la projection et de la rencontre avec le public, l'un des fondateurs des Grignoux, Dany Habran, vient me trouver et m'explique qu'elle doit partir rejoindre un couple d'amis qu'elle a connus sur le tournage de « Rosetta » et me demande si je pourrais l'y conduire.
J'ai ainsi partagé l'espace d'à peine dix petites minutes, quelques instants avec une jeune fille d'à peine 20 ans qui, malgré sa palme d'or et son prix d'interprétation à Cannes, n'avait nullement attrapé le melon : elle était simple, nature, souriante, d'une extrême gentillesse. Quelle tristesse et quelle injustice que ce foutu cancer ait emporté une si belle personne."
Les sorties cinéma sont nombreuses, et avec elles, les genres se mélangent et ne se ressemblent pas forcément. Pour faire le tri, nous pouvons compter sur les lumières de Pierre Germay. Deux jeudis par mois, ce critique du septième art, vous propose ses pépites cinématographiques.
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