Comment identifier une fake news ? De quelle manière s’en prémunir ? Alors que le texte de la "loi anti-fake news" était publié au journal officiel le 23 décembre, la revue Esprit consacrait un numéro au thème : "Fragiles vérités". Les fake news : ces fausses informations qui inondent notamment les réseaux sociaux. Si certaines théories sont tellement grossières qu'elles sont immédiatement discréditées, d’autres informations utilisent tellement les habits de la vérité et de la réalité qu’il devient parfois difficile de faire le tri. L'impact et la puissance de la diffusion rendue possible vie la web rend encore plus difficile ce travail de discernement, qui demande un minimum de temps de réflexion et d’analyse. Alors qu'en France le mouvement des "gilets jaunes" pointe du doigt une crise sociale et démocratique, la question de la vérité se pose en termes politiques et soulève des enjeux de vivre ensemble : sur quelle(s) vérité(s) nous mettons-nous d'accord ?
"La vérité a toujours été fragile", analyse Anne-Lorraine Bujon, philosophe politique. Et ce n'est sans doute pas un mal si l'on considère que le débat démocratique autorise précisément de questionner les vérités reçues. "Néanmoins, s'il n'y a plus de capacité à s'accorder sur les faits dont on parle, sur les faits qu'on interprète, alors il n'y a plus de discussion et de délibération possible."
Sommes-nous entrés dans l'ère de la post-vérité ? Importé des États-Unis, ce néologisme décrit l'impact d'internet sur la vie politique. Les blogs et les réseaux sociaux permettent en effet à chacun de diffuser et produire des informations, y compris de fausses informations ou des informations erronées. Si la question de savoir si nous vivons à l'ère de la poste-vérité fait débat, on peut tout de même constater que nous sommes entré dans "un nouveau régime d'information et de communication politique".
On ne peut pas définir fake news par la simple expression : "fausse information". C'est plus subtil que cela : en anglais, fake n'est pas false. Le terme "fake" comporte la notion de manipulation, de mensonge construit dans le but de tromper. La Commission d’enrichissement de la langue française a proposé le terme "infox", issu de "info" et "intox", plus fidèle au sens dégagé par l'expression anglaise fake news.
Les fake news ont toujours existé : certes, répond Arnaud Mercier, qui souligne tout de même : "On n'est pas dans la fausse nouvelle comme d'habitude, c'est une nouvelle étape dans l'histoire des fausses informations." Le spécialiste parle d'"écosystème socio-numérique de l'information" pour désigner un ensemble d'acteurs et de moyens où chacun est capable de "faire circuler l'information", d'être son propre producteur d'information et "de devenir des relais de la manipulation", avec "tous les algorithmes qui vont cibler de la micro-propagande, personne par personne en fonction des profils".
ÉCOUTER ⺠Le retour des théories du complot, symptôme d'une société fracturée
Si les fake news font florès aujourd'hui c'est que nous vivons dans "un environnement de perte de confiance généralisée notamment vis-à-vis des médias", selon Anne-Lorraine Bujon. Qui rappelle que si le mot "fake news" est à la mode c'est à Donald Trump qu'on le doit, quand, à l'automne 2016, il a accusé "les médias, les vrais, les médias sérieux comme le New York Times et le Washington Post. Aussitôt, le terme était en tête des requêtes Google. Puis, que ce soit au sujet du Brexit ou lors de la dernière campagne présidentielle, de nombreuses infox ont circulé.
Pourquoi donc les fake news séduisent-elles ? Pourquoi circulent-elles mieux que les informations vérifiées ? Son sans doute à l'œuvre des enjeux d'appartenance communautaire : "En relayant telle ou telle information je vous dis qui je suis", explique la rédactrice en chef de la revue Esprit. Il existe aussi des raisons économiques : à partir du moment où une plateforme internet est rémunérée au clic, elle a tout intérêt à publier des informations sensationnelles.
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