Hommage : Francine Leca, la chirurgienne au grand cœur

La chirurgie cardiaque "c'est de la plomberie et de la couture"

 

"Le coup de foudre, le vrai, celui qui vous cloue sur place, qui vous bouleverse totalement". C'est avec ces mots que Francine Leca décrit son premier grand amour : le coeur. Nous sommes en janvier 1968, la nouvelle interne en médecine a 29 ans et en entrant dans la salle d'une opération à cœur ouvert, elle trouve sa vocation. 

Une chirurgie impressionnante, pratiquée à l'époque sur une estrade pour le bon écoulement du sang et réunissant minimum quatre personnes, sans parler des anesthésistes et des infirmières. Francine Leca aime à dire de sa spécialité que "c'est de la plomberie et de la couture [...] il faut mettre les tuyaux dans le bon sens quand ils sont mal faits ou les élargir s'ils sont trop étroits [...] et de la couture parce qu'avec une aiguille et du fil on va à l'intérieur de ce coeur, coudre des pièces". 

Celle qui a été la première femme chirurgien cardiaque de France était une enfant turbulente, plusieurs fois renvoyée d'écoles, son père l'appelait "B.A.R" pour "bonne à rien". Son parcours confirme l'adage : faire contre mauvaise fortune bon coeur !

Profession : réparer les coeurs 

"Il faut d'abord s'occuper des malades, c'est ça être médecin" rappelle Francine Leca. Prendre soin des autres, c'est ce qui motive au quotidien cette chirurgienne au grand coeur. Elle a opéré plus de 6000 personnes dont des nouveaux nés avec un coeur proche de la taille d'une noix. Humble, elle compare son métier à celui d'horloger ou d'artisan et nous laisse espérer que nous pourrions tous être chirurgiens cardiaques avec un peu de précision et une aptitude au travail manuel. 

Même si elle a opéré de nombreux adultes, Francine Leca est une grande spécialiste du coeur des enfants et plus précisément des malformations congénitales, donc de naissance. "C'est passionnant parce que c'est véritablement une chirurgie de réparation, on va réparer ce que la nature a mal-formé" explique-t-elle. Il peut y avoir trois types de malformations cardiaques : des trous dans le cœur, des artères qui peuvent être abîmées et des vaisseaux qui peuvent être mal placés. "C'est l'association de ces trois lésions qui font la base de toutes malformations congénitales".

Être médecin au XXIème siècle

"On ne fait pas ce métier si on aime pas les gens, moi j'aime profondément les gens" explique Francine Leca lorsqu'on évoque son association Mécénat Chirurgie Cardiaque. Pour elle, l'empathie doit être au centre du métier de "soignant", terme qu'elle aime utiliser pour parler de ceux "qui veillent sur votre santé".

Le serment d'Hippocrate est une texte qui suscite encore beaucoup d'émotions chez la professeure de chirurgie cardiaque lorsqu'elle le lit aujourd'hui. Face à la crise que rencontre l'hôpital et le système de santé en France actuellement, Francine Leca est persuadée que les médecins  sont encore "conscients de ce serment" et qu'ils le "suivent".

Pour elle, qui avec son association Mécénat Chirurgie Cardiaque  opèrent des enfants défavorisés à travers la planète, les français doivent se rendre compte de la chance qu'ils ont et être plus indulgents avec le corps médical. "Le malade, aujourd'hui, est devenu extrêmement exigeant" constate-t-elle. "Je ne dis pas que tout est parfait [...] et il y a certainement des choses à améliorer dans les hôpitaux et on en est tous conscients [...] mais ce que je veux dire c'est qu'on a quand même la chance en France d'être dans l'ensemble globalement bien soigné et gratuitement ! ". Elle rappelle qu'en 2022 et encore aujourd'hui, une opération cardiaque coûtait environ 40 000 euros. 

 

Cette épisode de l'émission Visages a été enregistrée en 2022