Un jour la mère de Guillaume de Tonquédec lui a écrit ce message : "C'est une étrange entreprise que celle de faire rire les honnêtes gens, c'est ce que tu as choisi, et c'est ce que je te souhaite de tout cœur de réussir mon cher Guillaume." Faire rire les gens, pari réussi pour celui qui a incarné durant 10 ans un certain Monsieur Lepic dans la série "Fais pas ci, fais pas ça". Habité par la passion du théâtre - et de Molière - depuis l'adolescence, le comédien publie "Les portes de mon imaginaire" (éd. L'Observatoire). Un ouvrage pour encourager les amoureux des arts à oser donner libre cours à leur passion.
En juin 2017, à plus de 50 ans, il obtient le Prix Beaumarchais du meilleur comédien pour sa prestation dans "La Garçonnière" au théâtre de Paris. Jouer chaque soir devant plus de 1.200 personnes mais ne s'adresser qu'à deux : quand il joue il pense à ses parents. Dans l'intégrale de Molière qu'ils lui ont offert, son père a écrit cette dédicace : "J'espère que tu suivras l'exemple de Molière qui a réussi très bien dans une activité à laquelle ne l'avaient nullement préparée ses parents."
Avec son physique d'honnête homme, qui aurait parié sur lui ? "Avoir l'air gentil et sage permet de cacher ses tourments intérieurs et de passer inaperçu", confie-t-il, en même temps que les "pires bêtises" que lui ont permis de faire des traits angéliques. Une fois devenu adulte, prétendre réussir dans le milieu du théâtre c'est plus compliqué quand on n'a pas l'air torturé, "ce qui est tendance dans le métier de comédien". Isabelle Nanty, à qui il demandait s'il ne lui manquait pas quelque piercing ou deux trois cicatrices, lui a conseillé de "rester lui-même"... "Être soi-même, c'est sans doute ce qu'il y a de plus difficile au monde !"
Il parle d'une "vocation". Quand au collège il a pu expérimenter de monter sur les planches, il a pu vérifier cette envie, tester cet appel intérieur. Plus tard il a décroché le graal, être reçu à la classe libre du Cours Florent, celle où vous avez 20 admis sur 1.600 candidats. Celle qui vous ouvre ou presque les portes du conservatoire. Mais même après une formation d'excellence, il faut persévérer. "On m'a beaucoup beaucoup beaucoup dit non." Son père lui disait tout "l'orgueil" dont a besoin un comédien pour réussir ; il voulait dire ténacité. "Il faut être extrêmement sûr de son choix."
Seulement voilà, il y a des lectures qui changent votre vie - c'est d'ailleurs en se disant cela qu'il a cédé à l'éditrice et accepter de livrer le "témoignage d'un acteur populaire sur son rapport à la littérature". Quand il a lu "Le Désert des Tartares", de Dino Buzzati, Guillaume de Tonquédec a pris "comme un coup de poing" une véritable leçon de vie. C'est l'histoire d'un homme qui passe sa vie à la rêver, quand il meurt c'est trop tard il est passé à côté de ce dont il avait vraiment envie. "C'est comme si Buzzati, me disait mais vas-y, tu as envie de faire ça, vas-y !"
Il y a donc des livres qui changent des destinées. Guillaume de Tonquédec en témoigne, lui qui avait "du mal à accéder à l'art, en tout cas l'art littéraire" veut aujourd'hui encourager chacun à se saisir de l'art - exposition, théâtre, littérature... "Les grands auteurs et leur imaginaire peuvent changer nos vies, je le pense profondément... L'art peut changer le monde et peut changer aussi modestement une personne."
Il lui a fallu beaucoup travailler, puiser aussi dans l'enseignement de ses maîtres : Colette Haumont, Michel Bouquet... et Molière. " Je pense qu'il parle très très bien des êtres humains autour de lui, c'est un observateur hors pair, c'est pour ça que ses pièces sont encore jouées aujourd'hui, il fait un portrait des êtres humains absolument juste et bouleversant."
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