Le pèlerinage de Compostelle, Hervé de Lantivy l'a fait après avoir vécu une année sombre, marquée par la dépression après l'amputation de sa jambe. Il s'était promis qu'il marcherait jusqu'à Saint-Jacques alors il l'a fait : plus de 1.900 km au rythme du chemin. 97 jours qui ont changé sa vie.
Il a parcouru les routes de Saint-Jacques-de-Compostelle seul, une jambe en moins, avec une prothèse et deux béquilles. En 2021, Hervé de Lantivy a parcouru les plus de 1.900 km qui séparent Sainte-Anne d’Auray, en Bretagne, de Compostelle. Ces 97 jours de marche ont transformé sa vie, comme il le raconte dans "Une prothèse vers Compostelle" (éd. Salvator, 2024).
Pour le quatrième épisode de la saison 2 du podcast Marche & rêve, Hervé de Lantivy livre le récit poignant de sa première grande expérience de la marche au long cours. Le témoignage à vif d'un "porteur d’espoir".
"En 2018 j’ai été obligé de me faire amputer de ma jambe gauche et juste avant l’opération, 10 minutes avant, j’ai fait un vœu : si je remarche correctement, je partirai à Saint-Jacques-de-Compostelle." Hervé de Lantivy n’explique pas pourquoi il a eu "cette lumière, cette révélation" mais il a fini par réaliser ce vœu.
Cela ne s’est pas fait tout de suite. Il a même un peu oublié, durant un temps, ce qu’il s’était promis. "J’ai eu une rééducation très intensive, il a fallu que je réapprenne à marcher comme un enfant." Et il lui fallait aussi continuer à faire vivre son entreprise de paysagiste. Et puis, "je voulais effacer un peu mon handicap, confie-t-il, je ne m’acceptais pas encore vraiment comme handicapé."
Accroché à l'idée de remarcher, Hervé de Lantivy a sombré dans la dépression, le burn out, il a même tenté de se suicider. Tout au long du chemin il a porté cette culpabilité, cette "hantise" du suicide, comme il la nomme et dont il n’avait parlé à personne. C’était pourtant lui qui avait fini par décider de se faire amputer. Un accident de moto en 1987 lui avait fait vivre 30 années de souffrance physique. "Au bout de la 17e opération, j’ai pris la décision de me faire amputer."
Quand vous partez pour le chemin ce n’est pas une randonnée, vous partez pour une raison bien précise
Avec le temps, son vœu de marcher jusqu'à Saint-Jacques était sorti de son esprit. Et puis le 8 mars 2021, il s’est élancé, lui qui n’était pas du tout randonneur. "Quand vous partez pour le chemin ce n’est pas une randonnée, vous partez pour une raison bien précise." Lui savait pourquoi il partait : il y avait son vœu, son burn out, sa tentative de suicide… Il voulait "marcher seul pour être confronté à [lui-même]".
Au début, la famille, les cousins, tous voulaient l’accompagner. Mais une fois sur le chemin, il a compris qu’il voulait marcher seul. "Vous vous retrouvez dans une bulle de contemplation, vous êtes livré à vous-même et vous vous libérez naturellement de vos soucis. Vous ne pensez à rien quand vous marchez." À rien, même pas aux balises. Ce qui lui a valu d’ailleurs de se perdre ! Et de faire "plusieurs kilomètres de détour, à cause de ce phénomène de ne penser à rien du tout. Et ça c’est extraordinaire !"
La longue traversée des Landes en particulier, ou encore celle de la plaine de la Meseta, en Espagne, lui ont offert de longues marches solitaires. Dans son livre, on a même l’impression que ces paysages monotones l’ont aidé à entrer encore plus en lui-même. "C’est tout simple, j’en ai profité pour en faire ma semaine de réflexion sur mon passé, sur ma vie, explique-t-il. Je me suis beaucoup posé de questions, mais sans avoir de réponse... Par contre je me suis confié à Dieu. C’était ma semaine spirituelle. Ne pas avoir de réponse ça m’a fait un bien fou. Rien que d’y penser." Ce n’est pas sur le chemin mais au retour qu’il s’est senti libéré de sa culpabilité.
Un jour, un ancien pèlerin rencontré à Nantes lui a dit qu’il était un "porteur d’espoir". Au début, Hervé de Lantivy n’a pas su quoi répondre. "Ce n’est que le lendemain que j’ai réfléchi à ces deux mots : porteur d’espoir. Et là je me suis dit : Pourquoi pas ?" Il a décidé dès lors de "marcher pour les autres, pour les personnes qui ne sont pas capables d’être dans ma situation, de pouvoir marcher sur le chemin". Et de leur dédier ses pas mais aussi ses joies et ses pleurs. "Ça, ça m’a donné une force inestimable." Une force qui a donné à Hervé de Lantivy "la force de repartir chaque matin".
Compostelle, ce sont aussi des rencontres éphémères, parfois quelques minutes, parfois juste des regards. Hervé de Lantivy est ému aux larmes quand il parle de ce prêtre en fauteuil roulant rencontré sur la place d’un petit village d’Espagne. "On s’est regardés droit dans les yeux, c’est un regard qui m’est monté droit au cœur. Ça a été un moment très, très émouvant, sans parole. Un regard de paix et de joie... Je suis reparti et à la sortie du village, je me suis effondré, j’ai pleuré." De telles rencontres, Hervé de Lantivy en est "persuadé", on ne peut les faire que sur les chemins…
Compostelle lui a donné "un regain de spiritualité". Lui qui est catholique pratiquant avait toujours son chapelet dans la poche et s’arrêtait parfois en pleine campagne pour prier à genoux. Compostelle lui a aussi permis de devenir plus accueillant vis-à-vis des autres. "Le chemin de Compostelle vous rend plus tolérant, ça c’est certain !" Le Camino lui a de surcroît donné le goût de la marche. Depuis qu’il est rentré, Hervé de Lantivy n’a qu’une idée, c’est de repartir. D’ailleurs au moment de la diffusion du podcast, il est déjà reparti. Depuis le 23 mars 2024, il est quelque part sur la route entre Compostelle et Rome...
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