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"Hyperréalisme" au musée Maillol, une exposition qui met mal à l’aise

Un article rédigé par Guillaume Goubert - RCF, le 15 novembre 2022 - Modifié le 17 juillet 2023
Les Histoires de l'artL'exposition "Hyperréalisme" au musée Maillol

Une exposition à Paris pose la question du réalisme pour les artistes. Je m’autorise cette expression familière pour prévenir les auditeurs. Les sculptures que l’on voit au musée Maillol peuvent mettre mal à l’aise et pas seulement parce qu’il s’agit, pour une bonne part, de la représentation de corps dénudés.

Duane Hanson, Two Workers, 1993 ©Estate of Duane Hanson / VG Bild-Kunst, Bonn 2022Duane Hanson, Two Workers, 1993 ©Estate of Duane Hanson / VG Bild-Kunst, Bonn 2022

L’exposition est consacrée à un courant artistique apparu dans les années 60, l’hyper-réalisme. C’était une réaction face à la domination alors écrasante de l’art abstrait. Réaction radicale puisqu’il s’agissait de réaliser des représentations aussi proches que possible de la réalité. En parcourant les salles du musée Maillol, on est très impressionné par la précision de sculptures qui utilisent différents matériaux : le bois, le bronze, le marbre et enfin le silicone qui reproduit à merveille la peau humaine.

 

Quel intérêt à copier la réalité ?

 

On peut d’abord évoquer la motivation de sculpteurs américains comme George Segal ou Duane Hanson : rendre visibles des personnes que l’on ne remarque pas. Pour le premier, il s’agit de passants représentés assis sur un banc ou à une table de café. Duane Hanson pousse plus loin ce souci des anonymes lorsque, pour répondre à une commande d’un musée allemand, il représente en taille réelle le concierge et un homme d’entretien de ce musée. Les visiteurs sont ainsi appelés à prendre conscience du travail qui est nécessaire pour que le musée fonctionne.

 

Cette préoccupation "sociale" n’est toutefois qu’une facette de l’hyper-réalisme. D’autres sculpteurs introduisent des jeux d’échelle. L’Australien Ron Mueck exagère la taille des corps ou au contraire la minimise. L’Italien Valter Adam Casotto présente une main immense jaillissant du mur, celle de sa grand-mère, portant un chapelet. Il y a aussi l’humour subtil d’un autre Italien, Fabio Viale. Il reproduit parfaitement un buste dû à un glorieux prédécesseur, Antonio Canova. Sauf qu’en s’approchant, on s’aperçoit que la surface du marbre est très légèrement grumeleuse, comme s’il s’agissait de polystyrène. 

 

Une exposition qui met mal à l’aise

 

D’abord parce que le silicone est une matière si réaliste qu’elle fait presque peur. Ensuite parce que plusieurs artistes exposés jouent sur la difformité - ainsi Ron Mueck que je citais à l’instant - ou cherchent la provocationn comme l’Italien Maurizio Cattelan, célèbre pour avoir représenté le pape Jean-Paul II écrasé par une météorite. Ici, il s’agit de trois bras qui sortent du mur, faisant le salut fasciste. Et c’est intitulé "Ave Maria". Quelle trouvaille…

 

Au bout du compte et les exemples que je viens d’énumérer l’illustrent bien, tout cela démontre que l’art n’est, en fait, jamais réaliste. Il y a toujours un décalage. C’est d’ailleurs ce que signifie le sous-titre de l’expo : “Ceci n’est pas un corps.” Il s’agit d’un clin d’œil à un fameux tableau du peintre belge René Magritte qui représente une pipe de fumeur sous le titre : “Ceci n’est pas une pipe.” Effectivement, ce n’est pas une pipe. C’est un tableau.

 


> Exposition "Hyperréalisme - Ceci n'est pas un corps", musée Maillol, jusqu'au 5 mars 2023

 

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