Jacqueline Pascal, la sœur de Blaise Pascal, était une grande poétesse. Elle a mis de côté ses talents pour soutenir un frère possessif et malade... Mileva Einstein, la première épouse d'Albert était physicienne. Ils ont travaillé ensemble sur la relativité. Mais qui le sait ? À travers leur destin, on se penche sur ces femmes qui ont vécu dans l'ombre de grands hommes.
Bien qu’ayant vécu à des siècles différents, Jacqueline Pascal (1625-1661) et Mileva Maric (1875-1948) ont un point en commun : celui d’être inconnues du grand public. Pourtant, toutes deux avaient un talent qui auraient pu les propulser sur le devant de la scène. Mais la misogynie de leur époque et l’ombre de leur proche devenu célèbre les a contraintes à l’anonymat.
Il s’en est d’ailleurs fallu de peu pour que le nom de Jacqueline Pascal soit davantage connu que celui de son frère. Leur père, veuf, a quitté son travail pour les éduquer. "Il a failli exagérer davantage l’éducation de Jacqueline plutôt que de Blaise tellement elle était incroyable", relate Christine Orban, auteure de "Soumise" (éd. Albin Michel). Mais à "un siècle d’hommes", on "n’apprend pas les mathématiques aux femmes".
"C'est une souffrance d’être douée et de ne pas pouvoir s’exprimer, d’avoir des talents, des dons comme Jacqueline et de devoir abandonner." Abandonner son talent pour s’occuper de son frère, sans cesse malade. Un homme possessif, qui ne voulait pas que sa sœur se marie à la fois par vanité mais aussi en raison de sa foi janséniste. Jacqueline est entré dans les ordres à l'abbaye de Port-Royal.
Connue et reconnue pour son talent, Jacqueline l’a tout de même été de son temps. Elle qui fut une grande épistolaire, une poétesse de talent, fut remarquée par Richelieu, primée par Corneille mais aussi invitée à la cour par la reine Anne d’Autriche alors enceinte de Louis XIV, à qui elle récita un poème presque visionnaire.
Pour Mileva Maric, ce n’est pas un choix personnel, mais l’emprise d’Albert Einstein qui l'a conduite vers l’anonymat. En 1897, à l’école polytechnique de Zurich, cette jeune femme d’origine serbe est la seule étudiante du département de physique. Un exploit en soi pour l’époque. Brillante mathématicienne, elle impressionne Albert Einstein avec qui se noue une histoire d’amour et une histoire de science. Ils travaillent ensemble, Mileva l’aide à mettre au clair ses théories.
C’est la naissance d’un premier enfant pendant leurs études qui va faire basculer le destin de Mileva. Née hors mariage à une époque qui l’interdit, leur fille est abandonnée en Serbie. Une double tragédie pour Mileva puisqu’en plus de perdre son enfant, elle n’aura jamais le diplôme de l’école polytechnique à cause de ça. « Elle sent le piège se refermer et elle dit : "J’ai renoncé à mon rêve" », raconte Laurent Lemire, journaliste et auteur de "Mileva et Albert Einstein - Les secrets d'un couple" (éd. Tallandier, 2023).
Pendant une dizaine d’années, Albert et Mileva vivent et travaillent ensemble. Mais "elle n’a pas ses diplômes, donc elle ne signe pas et lui ne veut absolument pas le mettre dans les articles [dont celui sur E = mc2]. Il aurait au moins pu la mentionner. Et il s’en tire avec une pirouette en disant « nous ne faisons qu’un »". Pire, la relation s’étiole totalement, jusqu’à ce que Mileva soit totalement sous l’emprise d’Albert Einstein qui lui fait signer un contrat dans lequel elle s’engage notamment à lui repasser son linge, à ranger sa chambre et son bureau, mais aussi à renoncer "à toutes relations personnelles avec [lui], autant qu’elles ne sont pas absolument nécessaires d’un point de vue social".
La vie de Mileva aurait pu changer lorsqu’elle a rencontré Marie Curie, alors veuve de Pierre Curie après son accident. Le courant passe rapidement entre les deux et Mileva demande à Marie Curie comment elle fait pour concilier sa vie de famille avec sa vie de scientifique et se dit "j’aurai pu avoir ce destin-là". Mileva aurait aimé former un couple de savants comme les Curie, où chacun apporte sa pierre à l’édifice. Mais il n’en aura pas été ainsi. "Elle a été l’aiguillon, et c’est ça qui est dommage dans cette histoire et qui est très injuste c’est qu’on l’ait oubliée à ce point-là parce que sans elle, Albert aurait été Albert Einstein, mais il aurait mis un peu plus de temps", affirme Laurent Lemire.
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