Judee Sill

Judee Sill par Diaz Canales et Alonso Iglesias chez Dupuis

C’est le scénariste de la série Blacksad et de la reprise des Corto Maltese, Juan Diaz Canales, qui après avoir entendu une de ses chansons sur une plateforme de musique en ligne, s’est intéressé à la vie de l’artiste et à voulu raconter l’histoire de cette chanteuse méconnue et il a été difficile pour l’auteur de raconter la vie de Judee Sill qui n’a pas laissé beaucoup de traces et qui disparaît des radars dès 1973 jusqu’à sa mort en 1979. La Bd commence comme ça d’ailleurs, deux policiers découvrent une junkie décédée dans son appartement. Une affaire sordide de plus ? Non. Car la victime est une certaine Judee Sill, étoile filante de la Folk qui connut une brève heure de gloire seventies avant de mystérieusement disparaître dans la nuit de l'anonymat... Enfant révoltée, délinquante récidiviste, droguée et prostituée notoire : Judee fut tout cela et pire parfois. Mais elle fut surtout une musicienne touchée par la grâce, dont le timbre et la personnalité marquèrent de leur doux fer ceux qui l'entendirent et la côtoyèrent.
Judee Sill mêle des influences country, folk et classique avec une production recherchée ; sa voix est souvent doublée pour donner une impression de choral à quatre voix. La critique apprécie, mais cela ne se répercute pas sur ses ventes, malgré sa présence en première partie des concerts de Crosby et Nash. Judee Sill retourne en studio fin 1972 et sort Heart Food, aux arrangements encore plus élaborés, en 1973. Mais l’album se vend également très mal. Frustrée et insatisfaite de jouer seulement en première partie, elle sabordera sa carrière avec des comportements inadaptés et la chanteuse tombe peu à peu dans l'oubli. Les dernières années de sa vie sont mal connues et sujettes à de nombreuses rumeurs, mais il est certain qu'elle est retombée dans la drogue pour calmer les douleurs dues à plusieurs accidents de voiture.

La BD est écrite selon une logique de causes et d'effets plutôt que chronologique, le scénario bascule souvent d’une époque à une autre, suivant une thématique, un objet ou un mot qui amène à la scène suivante, ainsi l’histoire est décousue comme l’était sa vie et comme peut l’être la vision du monde après prise de drogue. Car malheureusement comme pour de nombreuses et nombreux artistes et à l’époque du flower power, la consommation était facile d’accès, et lui permettait de pallier à son mal être : on apprend en effet, qu’elle a eu une adolescence difficile, durant laquelle elle s'essaye déjà à l'héroïne, elle fit aussi un séjour en prison… 
Faute de sources fiables - le scénariste s'appuie essentiellement sur une interview donnée en 1972 avec le journaliste Grover Levis de Rolling Stone, où elle raconte cette vie qui l'a menée jusqu'à un premier album reconnu par la critique, mais sans grand succès commercial. Elle parle aussi de ses frustrations de ne pas rencontrer le succès. C'est donc ce destin dramatique, romanesque et musical que vous invitent à remonter Juan Díaz Canales et Jesus Alonso Iglesias, au gré d'un scénario rythmé comme une partition, servi par un dessin restituant comme jamais les années 70 et s'autorisant parfois de sidérantes envolées psychédéliques.

Pour accompagner le scénariste Juan Diaz Canales, le dessinateur Jesus Alonso Iglesias propose un graphisme à l’américaine, façon comics quelque part entre Darwyn Cooke, l’auteur de Parker et l’école espagnole dont il est originaire. L’encrage est marqué, les ambiances très cinématographiques, l’ambiance flower power de l’époque est bien retranscrit à travers quelques scènes jouant sur l’iconographie psychédélique, avec courbes, arrondis et volutes de fumées. Le seul reproche que l’on puisse éventuellement faire, c’est que le tout soit un peu trop chargé, avec parfois des difficultés, si l'on peut dire, pour faire ressortir les personnages des décors.
Judee Sill une bande dessinée de Canales et Alonso Iglesias, c’est sorti cette année chez Dupuis dans la collection Aire Libre. Vous pourrez même retrouver en fin d’album une liste de chansons pour vous accompagner lors de la lecture de ce dernier.

Programmation musicale : 

Jesus was a cross maker, Judee Sill (Judee Sill, 1971) 
Lady O, Judee Sill (Live at Boston Music Hall)
The Kiss, Judee Sill (Heart Food, 1973)