L’innocence, le charme et la douceur, voilà ce qui séduit, en cette année 1939, les spectateurs américains venus voir dans les salles obscures Le Magicien d’Oz. Une jeune fille d’alors tout juste 17 ans crève l’écran par sa présence. Et dire qu’elle fut choisie par défaut par les studios de la MGM. En effet, c’est Shirley Temple qui devait incarner le rôle de Dorothy, une jeune orpheline propulsée dans un monde enchanteur, peuplé de drôles de créatures.
Le film sera un succès colossal et fera rentrer à jamais Judy Garland dans le cœur de l’Amérique notamment grâce à une chanson qui faillit, pourtant, ne jamais figurer dans le film et qui l’a suivie tout au long de sa carrière. Cette chanson, c’est bien sûr Over the rainbow, un hymne au bonheur et une ode au paradis sur terre.
La Symphonie du cinéma est consacrée cette semaine au mythe et à la carrière d’artiste de Judy Garland, figure centrale des comédies musicales hollywoodiennes des années 40 et 50, morte tragiquement à l’âge de 47 ans, à Londres, le 22 juin 1969. On évoquera davantage les années fastes de la Petite Fiancée de l’Amérique comme on l’avait surnommée que son déclin, magistralement mis en scène cependant au cinéma par Rupert Goold dans Judy, sorti sur les écrans le 26 février. Un biopic dans lequel Renée Zellweger interprète intensément une Judy Garland à la fin de sa vie, ce qui lui a valu, voilà quelques semaines, un Golden Globes et surtout l’Oscar de la meilleure actrice.
Renée Zellweger chantant Over the rainbow dans une version quelque peu modernisée et puis Judy gets ready, deux titres présents sur la bande originale de Judy, le film de Rupert Goold dont les musiques additionnelles ont été composées par le compositeur français Gabriel Yared à l’image du très beau Judy gets ready. Mais revenons sur Over the rainbow et sur l’impact considérable qu’a eu cette chanson d’Harold Arlen et Yip Harburg, pour les paroles, sur l’Amérique qui en fait sa chanson de Noël pendant de nombreuses années. Le Magicien d’Oz étant en effet multidiffusé chaque année au moment des fêtes de fin d’année. Pour la petite histoire, la chanson fut également adoptée par les troupes américaines combattant en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale pour son message d’espoir et sa promesse de jours meilleurs.
Alors qu’elle remporte un Oscar spécial pour Le Magicien d’Oz, Judy Garland figure dès l’année 1940 parmi les dix vedettes les plus populaires au box-office. La MGM lui fait enchaîner les tournages. Et dès cette époque et pour tenir, elle devient alors dépendante à divers médicaments. Mais le succès est au rendez-vous. Et le duo qu’elle va former avec Mickey Rooney, de deux ans son aîné, un autre enfant star, va grandement y contribuer.
Le célèbre Good Morning, chanté par Judy Garland, accompagnée par Mickey Rooney au piano dans Place au rythme (Babes in Arms) en anglais, une célèbre comédie musicale de Richard Rodgers et Lorenz Hart, adaptée en 1939 au cinéma par Busby Berkeley. La chanson est quant à elle écrite par Arthur Freed et composée par Nacio Herb Brown mais elle deviendra vraiment un tube en 1952 grâce à la reprise que vont en faire Debbie Reynolds, Gene Kelly et Donald O'Connor dans Chantons sous la pluie, de Stanley Donen. Pendant cinq années, le tandem Rooney-Garland va fonctionner à merveille sous la baguette de Busby Berkeley notamment. Les deux petits protégés de la MGM vont enchaîner les comédies musicales.
Arrive alors le tournage du Chant du Missouri et la rencontre avec Vincente Minnelli. Nous sommes au début de l’année 1944 et Minnelli, qui a entamé sa carrière au cinéma deux ans auparavant, bâtit un film sur mesure pour Miss Garland…
Meet me in Saint Louis, chanté par Judy Garland, sur une musique de George Stoll, qui est aussi le titre original en anglais du Chant du Missouri, un film moins léger qu’il n’y paraît, sur les classes moyennes et l’aspiration à une vie meilleure à travers le portrait d’une famille dont le père décide de tenter sa chance à New York. Sept mois après la sortie du film, Vincente Minnelli demandera la main de Judy Garland. Le mariage est célébré le 15 juin 1945 et l’année suivante naît une fille, Liza qui deviendra plus tard la chanteuse et la danseuse que l’on connaît. Le 29 mars 1951, le divorce du couple sera cependant acté.
Minnelli tournera trois autres films avec la Petite Fiancée de l’Amérique : L’Horloge en 1945, Ziegfeld Follies, en 46, un hommage aux comédies musicales du même nom, produites à Broadway, où l’on retrouve, entre autres, Fred Astaire, Lucille Bremer et Gene Kelly qui sera son partenaire dans Le Pirate en 1948, réalisé par Minnelli et produit une fois encore par Arthur Freed, le maître de la comédie musicale de la MGM.
Avec Cole Porter, aidé par Gene Kelly, qui chorégraphie les numéros musicaux, Vincente Minnelli tourne en cette année 1948, une vision romantique et colorée du monde des pirates et d'une île des Caraïbes. Le film se termine en apothéose avec Be a clown, chanté en duo par Gene Kelly et Judy Garland. Ces deux icônes de l’histoire des comédies musicales tourneront à cinq reprises ensemble jusqu’en 1950 et La Jolie Fermière, le film de Charles Walters. Mais Summer stock dans son titre original sera aussi le dernier film de Judy Garland avec la MGM, lassée par les dépressions nerveuses à répétition et les addictions de la star, qui met fin à leur collaboration.
Le tournage de La Jolie Fermière va durer six mois après bien des retards dus aux absences et aux crises de nerfs de Judy Garland. Mais alors que le film semble bouclé, Joe Pasternak, le producteur, et Charles Walters décident d’ajouter un numéro musical et de faire revenir l’actrice pour interpreter Get happy dont on doit la musique à Johnny Green. Habillée d’une veste de smoking, un fédora noir et de bas en nylon sombres, Judy Garland réalise l’une des meilleures scènes de sa carrière. Le New York Times, sous la plume de Bosley Crowther, écrira: “En termes de beauté et de performance, Miss Garland est à son meilleur."
Deux ans avant La Jolie Fermière, Charles Walters avait déjà dirigé Judy Garland dans Easter Parade, Parade de printemps sous son titre français, aux côtés de Peter Lawford, Ann Miller et Fred Astaire, tiré d’une semi retraite qui forme alors un duo délicieux sur When the Midnight choo-choo leaves for Alabama. Cette comédie musicale à l’atmosphère nostalgique très Belle Epoque est conçue en une suite impressionnante de numéros avec pas moins de dix-sept chansons écrites et composées par Irving Berlin. Au sujet de ce grand classique de la comédie musicale américaine, Arthur Freed dira : « Judy était ravie de travailler avec Fred Astaire. Le souci qu’elle mettait à peaufiner ses chansons, elle le reporta sur ses numéros dansés. Et elle pigeait vite. Je n’ai jamais vu quelqu’un répéter aussi dur qu’elle. »
Vous avez sans doute reconnu ce Gotta have me go with you que chante avec conviction Judy Garland dans Une Etoile est née. Autre rôle phare de la carrière de l’actrice qui prête ses traits à Esther Blodgett, chanteuse en devenir qui va se faire engager par un célèbre studio hollywoodien sur l’insistance de James Mason qui joue, lui, un acteur sur le déclin. Ce remake de George Cukor de 1954 de ce monument du cinéma américain qui compte à ce jour quatre versions, après la première version de William Wellman en 1937, et la dernière en date de Bradley Cooper en 2018, sera aussi le dernier grand rôle chantant de Judy Garland. Warner Bros a confié la partition musicale à Harold Arlen, Ira Gershwin et Leonard Gersh, dirigée par Ray Heindorf.
S’il s’était écoulé quatre ans entre La Jolie Fermière et Une Etoile est née, il s’en écoulera encore sept avant que Judy Garland ne retourne un nouveau film, en 1961, Jugement à Nüremberg, de Stanley Kramer, qui pour le coup est antipodes des films légers habituels. Mais c’est dans un autre film, Un Enfant attend, de John Cassavetes, deux ans plus tard, que Judy Garland affiche son talent d’actrice dramatique dans le rôle d’une musicienne désabusée, engagée par une clinique, dirigée par Burt Lancaster, pour des séances de musicothérapie auprès d’enfants inadaptés. Ce sera son dernier grand rôle tandis que la musique est signée Ernest Gold.
Quelques conseils pour prolonger…
Judy Garland, splendeurs et chute d'une légende, un excellent livre de Bertrand Tessier, grand spécialiste de Judy Garland en France, à qui l’on doit ce livre de référence paru en mai 2019 aux éditions de L'Archipel. Au rayon DVD, je ne saurais que trop vous recommander 90 ans de la Warner, un magnifique coffret de dix DVD, paru en 2015, réunissant des comédies musicales mythiques dont Le Magicien d’Oz, Le Chant du Missouri, Une Etoile est née ou encore Le Pirate.
Et on se quitte avec I could go on singing (Je pourrais continuer à chanter) qu’interprète, sur une musique de Mort Lindsey, Judy Garland en 1963 dans le film du même nom de Ronald Neame rebaptisé L’Ombre du passé en français. Son dernier film aussi et l’histoire d’une chanteuse à succès, qui tente de reprendre contact avec son fils qu'elle a abandonné à sa naissance et qui a été éduqué par son père, joué par Dirk Bogarde.
Play list des titres diffusés
Over the rainbow, BO Le Magicien d’Oz, Judy Garland. Musique : Harold Arlen
Bande annonce de Judy, de Rupert Goold
Over the rainbow, Renée Zellweger, BO Judy
Judy gets ready, BO Judy, Gabriel Yared
Good Morning, BO Place au rythme (Babes in arms), Judy Garland et Mickey Rooney. Musique : Nacio Herb Brown
Meet me in Saint Louis, BO Le Chant du Missouri, Judy Garland et Lucille Bremer, Tom Drake. Musique : George Stoll
Be a clown, BO Le Pirate, Judy Garland et Gene Kelly. Musique : Lennie Hayton
Get happy, BO La Jolie Fermière, Judy Garland. Musique : Johnny Green
When the Midnight choo-choo leaves for Alabama, Fred Astaire, Judy Garland, BO Parade de printemps. Musique: Irving Berlin
Gotta have me go with you, BO Une Etoile est née, Judy Garland. Musique : Harold Arlen
Opening, BO Un Enfant attend, Ernest Gold
I could go on singing, BO L’Ombre du passé, Judy Garland, musique Mort Lindsey
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