C'est l’œuvre d’un très grand photographe, Ken Domon, très célèbre au Japon mais jusqu’ici quasiment inconnu hors de son pays natal. On peut admirer son travail dans une exposition présentée à la Maison de la culture du Japon à Paris. Avec une centaine d’œuvres, pour la plupart en noir et blanc, couvrant l’ensemble de l’œuvre de ce photographe né en 1909 et décédé en 1990.
C’est une véritable découverte. Ken Domon était à la fois un photographe épris de réalisme et un très grand plasticien qui composait ses images avec un soin extrême, qu’il s’agisse de reportages, de portraits de célébrités ou des pèlerinages photographiques qu’il a fait pendant plusieurs décennies dans les temples bouddhistes du Japon. Son talent est très grand et se compare sans aucune difficulté à celui de géants de la photographie comme Henri Cartier-Bresson, Walker Evans ou Paul Strand, dont je vous ai parlé il n’y a pas très longtemps.
D’abord, précisément, parce que lui-même n’est quasiment jamais sorti du Japon. Il ne s’est pas fait connaître hors de son pays, notamment en Europe et aux États-Unis. Il y a une autre raison, plus grave. Ken Domon a travaillé pour la propagande du pouvoir impérialiste et militariste nippon qui a annexé la Corée, une bonne partie de la Chine, conquis une large part de l’Extrême-Orient avant d’attaquer les États-Unis en 1941. L’exposition présente quelques photographies de cette époque, typique d’un régime totalitaire auquel Domon, semble-t-il, adhérait. Cela peut expliquer qu’il ait été regardé par la suite avec réticence.
Pourtant, après la défaite de 1945, Domon a rallié sans difficulté apparente le processus de démocratisation du Japon, même s’il avait un regard un subtilement critique sur son américanisation.
S’agissant de mon goût personnel, je dois dire que j’ai été ébloui par son travail sur les temples japonais et leur statues qu’il photographiait comme des personnes. "Les statues bougent", affirmait-il et il prenait toujours le temps d’attendre le moment qui lui paraissait propice pour déclencher son objectif. L’objectif met d’ailleurs en parallèle un portrait humain et une image de statue. La parenté est frappante.
Cependant, il faut évoquer son travail le plus célèbre, son reportage à Hiroshima en 1957, douze ans après le largage d’une bombe nucléaire par les Américains le 6 août 1945. Domon prend 7.500 photographies et en retient 180 pour un album qu’il publie. Son propos est de montrer les séquelles de ce terrible événement plus d’une décennie après. Il rend compte des dégâts matériels, des blessures physiques, des cicatrices, des opérations de chirurgie plastique et des greffes réalisées sur les victimes de la bombe. Ce n’est pas morbide ou complaisant. Au contraire.
Pour preuve, cette photographie d’un couple de victimes qui se sont connus à l’hôpital et se sont mariés. Ils posent avec, entre eux, leur enfant en parfaite santé. La joie se perçoit sur le visage du père qui porte pourtant de terribles séquelles. Domon veut montrer que la vie l’emporte sur la mort.
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