"Il y a un mouvement de démondialisation qui peut aller très loin et qui est très préoccupant." Il semble que la mondialisation a accouché d’un mouvement contraire de "démondialisation". Ce que montre l'ouvrage de Philippe Moreau Defarges, "La tentation du repli" (éd. Odile Jacob). Si repli sur soi il y a celui-ci ne peut pas être synonyme de retour en arrière : le géopolitologue parle d'un engrenage de la mondialisation et pointe du doigt "une chose que l'on ne veut pas voir : les hommes prennent des décisions, croient qu'ils sont les maîtres" sans voir le "danger de ces engrenages que l'on ne peut plus contrôler".
Dans son ouvrage, Philippe Moreau Defarges montre que le premier grand élargissement des frontières a commencé en 1492 avec Christophe Colomb. Une "première poussée" qu'il faut principalement imputer à l'Espagne. Et dès ce premier choc, observe le politologue, déjà des des phénomènes de repli. Ce fut le cas de la Chine et du Japon notamment, ces empires qui se refermés sur eux-mêmes "pensant se mettre à l'abri de tout cela". Vient ensuite la révolution industrielle et la colonisation. Cette fois c'est le Royaume-Uni le principal instigateur de la seconde poussée de mondialisation. "La mondialisation est un accouchement lent et douloureux."
Depuis les années 70 on assiste à une nouvelle poussée de mondialisation. Où la révolution technique, "internet et beaucoup plus que ça", est accompagnée d'un bouleversement géopolitique. Les pays qui autrefois se trouvaient en dehors de la mondialisation, comme la Chine ou la Russie, y sont désormais entrés : "Vous imaginez le choc phénomènal qui se produit, avec une contraction massive de l'espace et du temps."
De même qu'il y a un "choc" de la mondialisation, on observe un phénomène de "contrechoc". Le géopolitologue appelle "démondialisation" le phénomène qui pousse "les peuples et les individus" au repli, sous l'effet de la peur. "Les peuples et les individus sont effrayés de ce déferlement qui vient chez eux." Aussi, ce que l'on a pu voir dans la première moitié du XXè siècle, et notamment dans les années 30, s'apparente à un "grand moment de démondialisation". "Les dérapages de la mondialisation entraînent une démondialisation qui conduit à la guerre."
La crise financière de 2007-2008 est l'élément déclencheur du mouvement de démondialisation actuel. "La crise de 2008-2008 a donné le sentiment à beaucoup de peuples que finalement les gouvernements au sens large du terme - les financiers et même les politiques - étaient incapables de gérer cette mondialisation." Ainsi peut-on interpréter l’arrivée à la Maison blanche d’un Donald Trump voulant édifier des murs et préconisant un strict protectionnisme économique. On peut citer d’autres symptômes comme les vélléités indépendantistes des Catalans, ou encore le nationalisme grandissant sur le continent européen.
À ce mot de dé-mondialisation, Philippe Moreau Defarges associe celui de dé-croissance. L'idée que "nous avons créé une machine économique ou une machine industrielle que nous ne contrôlons pas, et que nous sommes pris dans une espèce d'obesssion d'enrichissement permanent, de biens nouveaux et de consommation nouvelle, et qu'il faut introduire une décroissance". Seulement voilà : "On ne revient jamais en arrière : on ne retrouvera pas le passé, ce que l'on a fait est irréversible."
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