"La dernière reine" est un album magnifique ! Il est signé d’un des grand nom de la BD, Jean-Marc Rochette. Un album sorti en octobre 2022, et j’étais passé à côté. Sa lecture a été un choc, c’est une histoire puissante, extrêmement riche avec un dessin magnifique ! Bref, un album qui aura toute sa place au pied du sapin...
C’est une formidable histoire d’amour, celle d’Édouard Roux et de Jeanne Sauvage. Édouard Roux est une gueule cassée de 14-18. Son visage a été arraché par un obus et il le dissimule avec un sac en toile. Il va trouver refuge dans l’atelier de la sculptrice animalière Jeanne sauvage. Avec beaucoup de douceur, elle va lui redonner un visage et lui permettre de pouvoir à nouveau se regarder et être regardé.
Elle va aussi l’introduire dans le milieu des artistes de Montmartre, François Pompon, Soutine, Aristide Bruant, Picasso, Cocteau… En échange Édouard, lui fait découvrir la majesté du plateau du Vercors où il a grandi et l’histoire du dernier ours abattu sous ses yeux quand il était enfant.
Un drame planté à jamais dans son cœur et qui est comme une racine à sa colère : les hommes massacrent les animaux, ils abîment aussi les paysages en recouvrant sa montagne de conifères. Au cœur de cette montagne, Édouard Roux va dévoiler à Jeanne un secret : la dernière reine, cette dernière ourse et l’inciter à créer le chef-d'œuvre qui la fera reconnaître.
Est-ce que cette histoire est vraie ? J’y ai cru, j’ai été chercher si Jeanne sauvage était une artiste oubliée qu’on redécouvrait aujourd’hui, si Édouard roux avait bel et bien existé. Et bien non, c’est une histoire, une vraie qui nous transporte , nous donne à réfléchir et surtout nous invite à regarder le temps qui passe et comment les hommes s'approprient la nature et le vivant.
Dans cette histoire, "tout est lié", pour reprendre l’expression du pape François, le soin du vivant comme le soin de la nature. Le souci qu'à Jeanne Sauvage pour ces hommes victime de la guerre et de la bêtise humaine fait écho à l’attention qu'Édouard Roux porte à la montagne dont il se considère comme un gardien. Et on ne peut qu’être sensible à la prédiction que sa famille porte depuis le fond des âges : "Le jour où disparaîtra la dernière reine, alors sera venue le temps des ténèbres."
Jean-Marc Rochette a grandi dans cette montagne, il se destinait à en faire son métier quand un accident l'a fait obliquer vers la bande dessinée. Les albums du "Transperceneige", adaptés depuis au cinéma, ont fait de lui un dessinateur reconnu dans l’univers de la BD. Il fait aussi beaucoup de peinture. Il y a quelques années, il a décidé de retourner vivre en haut des Alpes dans le parc des Écrins. Le Figaro, dans un article récent, raconte qu’il va y passer son troisième hiver. Une retraite isolée, coupé du monde pendant trois mois, pour un repli voué au travail, au ski de randonnée et à l'observation des bêtes sauvages.
Dans cet album, il est question de l’ours, le précédent évoquait le loup. Ce sont des destins tragiques, c’est une histoire terrible, celle de la confrontation de l’homme avec la nature… Et Jean-Marc Rochette est un veilleur, un artiste qui depuis sa montagne nous alerte : il nous faut prendre soin du vivant.
Sur la couverture, on voit un ours en haut d’un promontoire rocheux, derrière lui l’immensité blanche de la montagne dont la ligne de crête se découpe sur un ciel bleu profond… Il n’y a pas de doute la nuit est en train de tomber sur la montagne. À l’intérieur le dessin est encore plus sombre, avec des dominants en bleu-vert gris-brun. Peu de place pour la lumière si ce n’est dans quelques paysages de montagnes dans lesquelles Jeanne et Édouard tentent de fuir les hommes. Un album vraiment bouleversant !
> "La Dernière Reine", Jean-Marc Rochette, éditions Castermann, 240 pages, 30 euros
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