La romancière n’est-elle pas la gardienne des traditions, en publiant à chaque rentrée littéraire son roman de l’année, celui qu’elle a choisi tout particulièrement de dévoiler aux lecteurs, car vous n’êtes pas sans savoir qu’Amélie Nothomb écrit chaque année trois à quatre romans. L’un d’eux a la chance d’être publié, les autres jugés indignes – en tous cas provisoirement – d’être imprimés restent au fond des tiroirs. Bref : cet année, voici Psychopompe, un titre énigmatique pour un des romans les plus personnels d’Amélie Nothomb.
Le psychopompe conduit les âmes des morts. Amélie Nothomb l’explique, elle qui a été « psychopompe de Jésus dans son roman Soif, ou encore de son père dans Premier sang, évoquant ce père qu’elle n’a pu rejoindre pour ses derniers jours pour cause de pandémie. Le psychopompe, c’est un peu un esprit protecteur et, pour Amélie Nothomb, il n’y a pas mieux que les oiseaux pour figurer cette mission.
Et l’autrice est habitée du monde des oiseaux, ils sont les compagnons indispensables des déménagements au gré des nominations du père diplomate. A 11 ans, Amélie débarque en famille au Bangladesh et découvre, dit-elle, « l’alouette à tête rousse, la bergeronnette du Bengale et l’hirondelle fluviatile. » A compter de cette découverte, l’écrivaine à tire d’aile devient elle-même : « Il y eut un avant et un après : il m’apparut que l’oiseau était la clef de mon existence. »
Amélie Nothomb prend son envol et relève le défi de « ne pas éprouver de désir inférieur à celui de l’oiseau ». Se reconnaissant tout particulièrement dans l’engoulevent oreillard, elle compulse patiemment le Guide des oiseaux d’Europe reçu à Noël. De quoi puiser quelques sages recommandations : « quand on se sent incapable d’une pensée digne de ce nom, il reste l’observation : voici ce que m’apprit l’amour des oiseaux. »
C’est un roman, mais on a l’impression d’entendre Amélie Nothomb, dans un récit plein de sensibilité…
Elle est omniprésente et c’est sans doute le livre le plus personnel, notamment parce qu’elle évoque cette agression subie à l’âge de 12 ans, sur une plage du détroit du Bengale, la source de son anorexie : « J’avais conscience de la défaite. Je n’étais pas malheureuse. J’étais désespérée et angoissée et je vivais cet état dans une forme d’exaltation. Sortir de ce piège consistait à vivre. » C’est dire si un roman grave mené pourtant avec légèreté. Et une énergie indéfectible : « A chaque aube, je me jette dans le vide avec le fol espoir de ne pas avoir désappris ». Avec une ponctualité implacable, Amélie Nothomb se met chaque matin à son labeur : « L’intérêt d’écrire au quotidien, c’est aussi cela : ne jamais oublier à quel point c’est difficile. » L’écrivain et l’oiseau ont partie liée : « Ecrire est le désir le plus haut, à l’égal de voler. Et pour pratiquer le vol chaque jour, l’oiseau sait que c’est colossal. »
Psychopompe, d'Amélie Nothomb, Albin Michel
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