Aujourd’hui, Guillaume Goubert nous emmène en bateau. À l’occasion d’une exposition qui est intitulée « Paquebots 1913-1942 - une esthétique transatlantique », coproduite par deux musées; le Musée d’arts de Nantes qui la présente actuellement, et le musée d’art moderne du Havre qui prendra le relais au printemps, il nous fait découvrir ou redécouvrir ce style nautique.
La mémoire collective a gardé le souvenir de ces luxueux vaisseaux de l’entre deux guerres dont le plus célèbre était le Normandie, chef-d’œuvre de technologie navale et véritable temple du style Art déco. L’exposition évoque bien sûr cette dimension avec des éléments de décor du Normandie dûs à Jean Dunand ou Paul Iribe. Mais le plus intéressant n‘est pas là. L’expo démontre avec brio le rôle particulier qu’ont joué les paquebots dans le développement de l’esthétique moderne dans des domaines comme la peinture, la photographie ou l’architecture.
La première moitié du XXe siècle est un temps où la fascination pour la machine envahit tous les arts. Or existe-t-il de plus belles machines que les paquebots ? Leur forme effilée, les lignes dessinées par l’étrave, les cheminées ou les rangées des hublots se prêtent parfaitement à une recherche graphique à mi-chemin de la figuration et de l’abstraction. L’exposition propose de magnifiques tableaux de Fernand Léger, Albert Gleizes ou encore d’un artiste à la limite de l’art naïf, Jules Lefranc. On voit aussi de somptueuses photos de Walker Evans et André Kertész mais aussi de photographes moins connus qui travaillaient pour les chantiers navals comme Jean Moral, Roger Schall ou François Tuefferd.
En matière d’architecture, l’exposition met en lumière la fascination de l’architecte Le Corbusier pour les paquebots dans lesquels il voyait un modèle de rationalité constructive et un élément de sa recherche en vue de créer ce qu’il appelait des « machines à habiter. » Le Corbusier n’a pas été le seul à se référer aux paquebots dans ses constructions. On peut aussi citer Pierre Patout, Geoges-Henri Pingusson et Robert Mallet-Stevens.
Jusqu’à la première guerre mondiale, l’activité des paquebots se concentrait sur le transport des migrants entre l’Europe et New York. Mais les Etats-Unis ont alors adopté une politique d’immigration restrictive ce qui a conduit les armateurs à se tourner vers une autre clientèle, beaucoup plus favorisée, en lui offrant un confort sans précédent. Quant à 1942, c’est le moment où le Normandie est détruit par un incendie dans le port de New York. L’entre-deux guerres est donc un âge d’or entre des drames historiques. L’expo le marque à l’ouverture avec une célèbre photographie d’un navire de migrants signée d’Alfred Stieglitz. Et, en clôture, par une bouleversante image de deux petites filles dans le hublot du paquebot Saint-Louis. Ce navire transportait des familles juives cherchant à échapper au nazisme mais qui furent refusées par les pays d’Amérique du nord et d’Amérique latine et durent, en 1939 revenir en Europe. Les paquebots n’ont pas seulement été des lieux de villégiatures insouciantes.
Chaque mardi à 8h45, Guillaume Goubert et Simon de Monicault présentent une exposition ou un événement qui raconte l'histoire de l'art.
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