Malgré l'épuisement face à une crise globale qui perdure au pays du Cèdre, des locaux et volontaires étrangers se mobilisent chaque jour pour venir en aide au peuple libanais. Associations, congrégations, anonymes, ils tentent, notamment en cette période de Noël, d'apporter un peu d'humanité et de chaleur au quotidien difficile des beyrouthins.
Le Liban semble paralysé. Les jours se suivent dans la capitale sans qu'il y ait de solutions concrètes pour endiguer la crise. Pourtant, des acteurs de l’ombre oeuvrent au quotidien auprès de la population pour leur apporter réconfort, nourriture et produits de première nécessité. Une présence source d'espoir pour les bénéficiaires. En direct de Beyrouth, Pauline de Torsiac reçoit quatre invités.
Soeur Nada est libanaise, fille de la Charité de Saint Vincent de Paul, elle est directrice d'une école et d'une crèche gérées par la communauté, Ryta Aboud, fidèle de l'église Saint Antoine de Padoue est investie dans "la cuisine sociale" de la paroisse, Clémence, française, est volontaire pour L'Oeuvre d'Orient et Tanguy pour l'association Teta w jeddo qui parraine des familles libanaises.
"De plus en plus de libanais viennent à la paroisse pour demander du pain, c’est du jamais vu dans notre pays. La paroisse livre 120 plats chauds et aide plus de 100 personnes. 300 plats chauds sont distribués par semaine." Rita, paroissienne de l'église de Saint Antoine de Padoue est très investie dans l'aide alimentaire proposée par l'église Saint Antoine de Padoue. Une nouvelle mission pour la paroisse qui voit les habitants du quartier tomber dans la pauvreté à cause de la crise.
Le prix des aliments a augmenté de 2068% en deux ans et un plein d'essence équivaut à un salaire moyen. Au-delà des difficultés matérielles ce qui inquiète Soeur Nada, fille de la Charité et responsable d'une école de plus de 1000 enfants, c'est que : "les jeunes ne rêvent plus. Aujourd’hui leur seul rêve est de quitter le pays pour aider leur famille". La mission des soeurs est de leur donner de l’espérance en les encourageant et en les encadrant. Pour accompagner ces jeunes dans la reconstruction, les filles de la Charité ont monté une équipe de psychologues, d’accompagnateurs, et de prêtres. Afin de recevoir au mieux les élèves, ils ont créé un bureau d’écoute. "Il n’y a plus cette joie qu’on trouvait avant" constate amèrement soeur Nada.
Même en temps de guerre on vivait mieux. Leur dignité humaine est bafouée, ils ont besoin d’être entendus. Rita, paroissienne
Pour Rita, en plus des actions concrètes mises en place, il est crucial d'être à l'écoute des bénéficiaires. Une présence nécessaire pour les libanais qui se sentent délaissés. "Même en temps de guerre on vivait mieux. Leur dignité humaine est bafouée, ils ont besoin d’être entendus. Ils nous disent "vous faites pour nous ce que l’état ne fait pas".
« Il y a beaucoup de fatigue et de tristesse » constate Clémence arrivée en octobre au Liban, qui a eu l’occasion au cours de sa mission pour l’oeuvre d’orient de suivre de nombreux projets solidaires soutenus par l'association dans les secteurs de l'éducation, la santé et du patrimoine.
Soeur Nada rappelle que l'humilité doit être au coeur de leurs missions auprès des plus démunis. Le don et le soutien envers les pauvres, qu’elle fréquente tous les jours, doivent être faits avec beaucoup de respect et de délicatesse. "Tout le monde a perdu quelque chose ce jour là, que ce soit un proche, un emploi, une maison, chacun a perdu un peu de sa dignité" constate Clémence. L’explosion du 4 aout 2020 est présente dans tous les esprits. Un traumatisme qu’il est difficile de vivre pour l’ensemble de la population et qui est présent dans le quotidien de chacun.
Je crois que nous passons par une période de mort mais la vie va jaillir aprés la mort. Note Dame du Liban va veiller sur le pays. Soeur Nada, fille de la Charité
Tanguy est volontaire pour la petite association Teta w Jeddo qui travaille sur lien intergénerationnel et le soin médical des personnes âgées. Une mission complexe face à l’immense pénurie de médicaments. Les prix ont explosés. Depuis le début du mois de décembre, l’association a trouvé un partenaire francais Une valise pour Beyrouth qui permet de récolter des médicaments plus facilement. Diabéte, tension et problèmes cardiaques sont les pathologies majoritaires. L’urgence pour l’association est d’assurer aux patients qu’ils auront leur médicament à temps. L'association a également lancé un système de parrainage qui permet à des familles en France d'apporter leur soutien financier et amical à des familles libanaises.
La patience est de rigueur pour Clémence qui suit également des projets patrimoniaux comme la rénovation de la bibliothèque orientale de Beyrouth. Des chantiers encore plus longs et compliqués à suivre depuis le début de la crise, mais nécessaires pour la pérennité de la richesse culturelle du pays.
Soeur Nada, elles, est heureuse d’avoir un trouvé des soutiens financiers qui ont permis à l’école d’acheter du matériel pour la scolarité des enfants. L' oeuvre d’orient a contribué à de nombreux projets au sein de l’école. La scolarité est un sujet compliqué depuis que les écoles publiques sont en grève.
Avec l’augmentation des prix et l’abandon de l’état, les ONG, les paroisses ou les habitants peinent à trouver les fonds nécessaires. Et comme ils l’observent au quotidien, la crise ne semble pas prête de s’arrêter et semble même s’empirer de jour en jour. Malgré tout, à quelques heures de Noël chacun garde espoir et espère une renaissance du pays du Cèdre. "Même si nous sommes pauvres, nous sommes riches avec Jésus Christ" rappelle soeur Nada. "Je crois que nous passons par une période de mort mais la vie va jaillir aprés la mort. Notre Dame du Liban va veiller sur le pays." ajoute-t-elle émue.
Même si nous sommes pauvres, nous sommes riches avec Jésus Christ. Soeur Nada, fille de la Charité
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