Cette semaine, Valérie de Marnhac nous fait découvrir un film de sœurs. Adapté du livre de Laurent Petitmangin "Ce qu'il faut de nuit", le film réalisé par Delphine et Muriel Coulin, met à l'écran le poids de la politique sur la vie d'une famille monoparentale, avec un casting très soigné.
Je me réjouis d’un film de « sœurs ». Il existe de nombreux duos de frères cinéastes célèbres, des frères Lumière aux frères Dardenne en passant par les frères Larrieu, mais elles sont rares les réalisatrices qui travaillent en famille !
Ce nouveau film est adapté d’un livre qui avait déjà été un vrai choc quand je l’ai découvert grâce à une amie : c’est « Ce qu’il faut de nuit » de Laurent Petitmangin, titré en écho à un très beau poème de Jules Supervielle. Sa traduction pour l’écran « Jouer avec le feu » est porteur de plus de tensions. Il brosse le portrait d’un père ouvrier, veuf, taiseux, très présent auprès de ses deux grands ados, Fus et Louis, dont l’un va mal tourner
L’histoire se passe aujourd’hui, en Lorraine, région très marquée par la crise de l’industrie métallurgique. C’est l’arrière-fond social, filmé sans misérabilisme et même au contraire de manière très esthétique. Avec de très belles scènes de travail de nuit, sur les caténaires des voies ferrées. De la lumière rouge surgit de torches incandescentes. C’est très beau!
C'est l'histoire d'une famille monoparentale qui va imploser sous nos yeux malgré tout l’amour présent entre eux. La mère est morte, le père joué par Vincent Lindon a renoncé à ses combats syndicaux pour élever ses fils. Le plus jeune s’apprête à partir pour des études supérieures brillantes. L‘ainé n’a pas de boulot, malgré son diplôme de métallo, et il est attiré par un groupe d’extrémistes radicaux et violents, rencontré dans les gradins du stade de foot. Le film est alors construit comme une tragédie moderne, dont le chœur antique serait le collectif ouvrier, annonçant dès le départ une issue qu’on sent de plus en plus fatale.
Le film aborde la question très actuelle de la montée de l’extrême droite en France, une thématique de plus en plus présente au cinéma. C’est plutôt vu ici comme le terreau dans lequel évolue ce trio très soudé, presque fusionnel. Les réalisatrices font le constat amer, sans jugement ni didactisme, des conséquences du politique sur l’intime. Et cela passe par la mise en scène : un intérieur de maison de plus en plus sombre, des dialogues qui se font rares, des espaces qui se cloisonnent… Elles posent une question universelle. Comment continuer à aimer son enfant ou son frère inconditionnellement, quand on ne le comprend plus et quoiqu’il fasse? C’est bouleversant… jusqu’au final malheureusement un peu râté à mon gout. Un peu trop simpliste et rapide !
Vincent Lindon est parfait dans ce rôle, comme toujours et sans surprise. Mais le plus impressionnant, c’est Benjamin Voisin dans le rôle très complexe de l’ainé. A la fois miroir du père, grand frère protecteur, fils rebelle, il joue sur une palette de sentiments extrêmement large qui va du défi à la rage, de l’amour à la peur du rejet. Il est exceptionnel. De même que Stephan Crépon, en jeune ‘fils parfait’, pris en plein conflit de loyauté et qui tente de maintenir les liens familiaux coute que coute.
A voir cette semaine dans les salles obscures : Le film de Delphine et Muriel Coulin, Jouer avec le feu
Le mercredi c'est le jour où sortent les nouveaux films au cinéma. C'est aussi le jour pour écouter, à 8h45, La Chronique cinéma de Valérie de Marnhac !
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