Cette semaine Valérie de Marnhac met à l'honneur le cinéma de l'Île de Beauté. Avec le film Le Royaume, Julien Colonna met en avant l'intérieur de la Corse. Un long-métrage qui a impressionné Valérie de Marnhac et le jury du Festival de Cannes.
Cette semaine un film corse, à la fois thriller haletant et drame familial. C’est Le Royaume de Julien Colonna.
Un magnifique film qui a beaucoup ému le Festival de Cannes où il était en compétition cette année dans la section Un Certain Regard. C’est un film à l’image de l’Ile de Beauté, âpre et solaire. Et la Corse inspire décidément beaucoup le 7ème art en ce moment.
Il y a eu le très beau Borgo, sorti avant l’été, sur cette matonne suspectée de complicité d’un double crime. Puis on est remonté aux années 80 et à l’idéologie nationaliste, avec "A son image" de Thierry de Peretti. Aujourd’hui, c’est donc le 3ème film insulaire en quelques mois, où cette fois-ci le milieu corse est vu à travers les yeux d’une jeune adolescente.
Le père de Julien Colonna était un des parrains présumés de l’île quand il est mort brutalement dans un accident en 2006. Le réalisateur s’est évidemment inspiré de sa propre histoire pour écrire le scénario. Son souhait affiché, c’est de se réapproprier le récit corse qui a été, selon lui, l’objet de beaucoup de fantasmes ou en tous cas de caricatures. Pour Le Royaume, il parle d’un « anti-film de gangsters ». Plutôt que d’en faire des héros, il se penche sur leurs failles, leurs fragilités et leurs peurs.
L’histoire de Lesia, c’est celle d’une adolescente de 15 ans, envoyée clandestinement chez son père, qui vit caché avec ses hommes dans une villa isolée. Ils ne se connaissent pas bien, sa vie de chef de clan l’a éloigné de sa famille. Le film est construit autour d’une longue confession du père, très émouvante.
Le film est sinon assez avare en dialogues. Colonna préfère filmer les corps et les visages, tous très intenses. Avec de longs plans séquences sur les regards, un peu à la façon des westerns de Sergio Leone !
Les acteurs sont tous non-professionnels et ont été choisis sur place, dont la révélation est Ghjuvanna Benedetti dans le rôle de Lesia. Elle a une présence magnétique, fragile et déterminée à la fois. Dans la vraie vie, elle est élève infirmière et pompier!
Dans le film, quand la tension monte, on ne sait jamais exactement pourquoi… Ce qui renforce l’impression d’engrenage inéluctable. Il y a ici une sorte de fatalité dont il semble impossible de sortir. Le film se rapproche alors de la tragédie antique que du film noir. Lors de la cavale de Lesia et son père, elle va découvrir ce monde très masculin, de vengeances ancestrales et de règlements de comptes, dont les hommes sont en même temps acteurs et prisonniers.
Par sa mise en scène très sobre, avec des mouvements de caméra lents qui laissent le temps à l’émotion de monter, le film m'a conquis.
Et aussi parce que Julien Colonna ne cherche jamais à esthétiser la violence ou à lui donner une dimension romanesque ; Comme le fait par exemple Gilles Lellouche, dans son film L’Amour Ouf, qui en plus cartonne auprès des jeunes !
Je trouve cela plutôt inquiétant …et cela me gêne sur un plan éthique !
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