Christophe Henning nous propose la lecture de "Après", un livre sensible sur le deuil, décrit avec délicatesse. Un petit joyau littéraire qui évoque notre humanité dans ses fragilités et ses ressources.
A la page 11, Lucas se prépare pour son petit tour à vélo. Page 16, quand les pompiers arrivent, c’est fini. Entre deux, Lucas a perdu l’équilibre sur son vélo, une camionnette n’a pu l’éviter, il est mort, c’est fini. Vraiment ? ce n’est pas le premier livre qui cherche à savoir ce qui se passe « après », ce n’est pas le premier romancier qui imagine la vie après la mort. Le livre de Raphaël Meltz le fait avec une infinie délicatesse, en prolongeant d’une certaine manière la présence du père de famille qui touche, voit, entend ses proches, son fils Lorenzo, sa fille Sofia, sa femme Roxane. Bien sûr, les endeuillés savent qu’il y a une paroi de verre, infranchissable. Mais dans cette histoire, Lucas raconte : il est présent autrement, attentif au moindre signe, et voudrait tant les consoler…
En effet, un roman qui dit combien la séparation peut être brutale, mais aussi que les liens se perpétuent d’une certaine manière…
Dans le roman, la victime décédée garde l’usage du goût, des senteurs, de la vue, de l’ouïe, même si l’usage des sens va s’effacer petit à petit. « Perdu le goût, si vite, le toucher aussi, avant même les avoir retrouvés ; maintenant les odeurs. Eux ont tout perdu de lui, n’ont plus rien à partager. » Autant de réminiscences qui mettent en joie le disparu, alors que les survivants se sentent orphelins. Pour eux, « ce sera toujours tellement différent maintenant, écrit Raphaël Meltz. Eux seront toujours tristes, et lui, jamais. C’est comme ça, il ne peut pas se plaindre. Ne peut pas crier, hurler, pleurer, sombrer… » La mère et les deux enfants se soutiennent mutuellement. Petit à petit, les souvenirs viennent consoler, on se prend à sourire, à reprendre des habitudes. La peine perdure, palpable : Roxane « se souvient très bien de ce dernier soir, ce soir qui semblait être un soir normal et qui était le tout dernier soir de leur vie d’avant, de leur vie heureuse, de leur vie avec eux tous vivants. »
Et puis le temps aide aussi à traverser le deuil… La vie reprend ses droits…
En effet mais attention : « Face au deuil, écrit l’auteur, il vaut mieux toujours, éviter de se fier aux apparences. » Le texte décrit l’évolution sur une année, et si Roxane retrouve son piano, si les enfants reprennent leurs études, il reste ce silence. Et pourtant, le mort voudrait les encourager, quand il s’adresse à sa femme : « Je suis là, tu sais. Je suis là. Mais non, tu ne le sais pas… (…) Lucas voudrait qu’elle garde une entière foi en la vie, en la beauté de cette calanque et en la douceur de l’air, lui dire qu’il n’est plus là mais qu’elle doit croire en un avenir pour elle. » L’auteur laisse entendre cette petite voix du défunt qui résonne encore, parce que « ce qu’il espère pour ceux qu’il aime, c’est le bonheur, c’est la sérénité, c’est l’intensité ». Un joli texte, auquel on a envie de croire, même si, c’est vrai, ce qu’il en est « après », on n’en sait rien…
Après, de Raphaël Meltz, aux éditions du Tripode.
Chaque jeudi à 8h44, Christophe Henning (La Croix) et Christophe Mory (RCF et Radio Notre-Dame) présentent le livre de la semaine.
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !