"Le nom sur le mur", d’Hervé Le Tellier, est publié chez Gallimard. C'est le livre de la semaine de Christophe Henning : "une réflexion sur les violences, le rejet, la haine, l’intolérance, la vie en société".
Hervé Le Tellier, est l’auteur de L’anomalie, prix Goncourt 2020, un roman surréaliste, envoûtant qui, non seulement a remporté le prix le plus convoité de l’édition française, mais a connu un incroyable succès populaire, traduit dans le monde entier, plus d’un million et demi d’exemplaires… C’est dire que reprendre la plume après un tel succès n’est pas chose aisée.
Hervé Le Tellier revient avec un livre qui n’a rien à voir, si ce n’est l’écriture fluide, sobre, sans fioritures. L’histoire qu’il raconte ne supporterait pas l’emphase. Le nom sur le mur ? Le titre de l’ouvrage lève un coin du voile : le nom, c’est celui d’André Chaix. Inscrit sur le mur de la maison que l’écrivain vient d’acquérir, à Montjoux, dans la Drôme. André Chaix n’est pas un inconnu, en tous cas il ne le reste pas longtemps pour Hervé Le Tellier qui voit aussi son nom gravé sur le monument aux morts. Il n’en faut pas plus pour inspirer le romancier. Prenant le lecteur à témoin, il retrace l’existence d’André Chaix, résistant, maquisard, pris dans une embuscade à Dieulefit, le 23 août 1944. Il avait vingt ans, deux mois et trente jours.
Né le 23 mai 1924, il aurait cent ans aujourd’hui même, jour pour jour. D’André Chaix, on ne savait pas grand-chose. Mais Hervé Le Tellier à la recherche d’indices, trouve une vraie mine d’informations dans une boite de menus objets ayant appartenu à André Chaix, que les historiens locaux lui confient. Une carte d’identité, des photos, quelques enveloppes… Une moisson bien maigre et en même temps la trace intime d’une existence fauchée en pleine jeunesse. « J’ai voulu que le livre contienne des images, des photographies, afin qu’André, son amie Simone et quelques autres aient un visage et un corps pour vous puisqu’ils en ont pour moi. » Si, bien sûr, le livre raconte l’histoire singulière de jeune homme, il est aussi l’occasion d’un regard sans fard sur la résistance et la collaboration, la folie nazie et le poids de la guerre, de la déportation, de l’antisémitisme. « Le nazisme a catalysé chez certains spécimens d’humanité leur extraordinaire aptitude à l’inhumanité. Il nous pose sans cesse la question de savoir ce qu’est un homme, et ce qui le meut. » Hervé Le Tellier insiste sur cette capacité à commettre l’indéfendable, ce qu’a pu montrer diverses expériences après-guerre : « La soumission à l’autorité, la pression des pairs, le sens de devoir fabriquent à la chaîne des tueurs sans états d’âme. » Des faits historiques qui doivent inviter à la vigilance : « Quiconque sème la haine de l’autre ne mérite pas l’hospitalité d’une discussion. »
C’est vrai, même si ce serait prêter des intention à André Chaix d’imaginer qu’il puisse donner des leçons : « Parfois, souvent, on ne peut pas à la fois faire l’Histoire et la comprendre. » En suivant le destin d’André Chaix, c’est une histoire plus universelle que raconte Hervé Le Tellier, sans être moralisateur, mais convaincu qu’il y a une leçon à tirer de ce passé. Pas seulement l’héroïsme des maquisards qui, à 20 ans, sont morts, mais ce sursaut qui peut pousser chacun à l’engagement : « Ce que je sais, c’est que sans ce nom gravé sur un mur, sans André Cheix comme fil à plomb, je n’aurais su explorer cette époque où la générosité et le courage ont côtoyé comme rarement l’égoïsme et l’abject. »
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