Liège
Hélène Cambier, docteur en histoire de l’art de l’UNamur et conservatrice du Musée diocésain de Namur, nous parle de la place proéminente qu’occupe l’orfèvrerie mosane dans le panorama de l’art européen du Moyen Âge. Elle insiste sur l’importance des décors non figuratifs, spécialement filigranés, que l’on trouve sur des pièces emblématiques comme les châsses ou les croix-reliquaires.
Des objets d’orfèvrerie réalisés au XIIe et au XIIIe siècle dans la vallée de la Meuse font la fierté de nombreux musées et trésors d’églises, en Europe et ailleurs. La qualité exceptionnelle de ces œuvres a été remarquée dès le XIXe siècle par les spécialistes. Les historiens de l’art (belges surtout) ont considéré ces pièces comme les fleurons de « l’art mosan » (concept né également au XIXe siècle) et ont porté au pinacle des orfèvres devenus ainsi les principaux représentants de l’orfèvrerie mosane, tels que Nicolas de Verdun ou Hugo d’Oignies, dont les noms sont livrés par des inscriptions sur les œuvres. Avec une vision fortement influencée par des considérations nationalistes, on a prêté à ces orfèvres une renommée et une importance qui dépassaient les frontières belges. L’orfèvrerie mosane a donc fait couler beaucoup d’encre. Depuis, ces conceptions ont été largement relativisées, mais il n’en reste pas moins que ce patrimoine orfévré est tout à fait exceptionnel et qu’il demeure un formidable terrain d’études pour les historiens de l’art d’aujourd’hui.
En effet, la renommée dont jouit cette production depuis presque deux siècles n’empêche pas qu’à l’heure actuelle les questions soient encore nombreuses et les débats ouverts, par exemple en termes de chronologie des œuvres ou bien de pratiques et d’organisation des orfèvres. Pour renouveler ces questionnements, l’analyse des décors ornementaux s’avère être une porte d’entrée intéressante à plusieurs égards.
Les éléments décoratifs, non figuratifs, ont généralement été considérés comme secondaires par les historiens de l’art et très peu, voire pas étudiés. Cette vision héritée de la Renaissance, où l’analyse du style (plutôt associé aux éléments figuratifs comme les personnages) prime, ne correspond pas à l’art médiéval, et encore moins à l’orfèvrerie de cette époque, où les éléments décoratifs ont une valeur propre.
Parmi les différents décors en présence sur les œuvres (filigranes, émaux, nielles, gravures, vernis brun, etc.), les filigranes sont particulièrement révélateurs, car ils sont présents sur un grand nombre d’œuvres. Technique associée aux pierres précieuses, relativement coûteuse et prestigieuse, les filigranes sont présents, surtout au XIIIe siècle, sur des œuvres importantes, c’est-à-dire sur des pièces qui ont marqué leur époque et orienté la production contemporaine. Les filigranes sont également présents sur les œuvres associées à ces « grands noms », notamment Nicolas de Verdun et Hugo d’Oignies.
Par ailleurs ils ornent en abondance des types d’objets emblématiques de nos régions : ce sont notamment les grandes châsses reliquaires (Stavelot, Amay, Huy, Tournai…) et les croix-reliquaires (Trésor de la cathédrale de Liège, trésor du prieuré d’Oignies à Namur, Tournai…). L’étude des filigranes, ces petits fils métalliques rapportés sur les surfaces où sont serties les pierres, jette donc un éclairage nouveau sur des problématiques variées.
Hélène Cambier
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