LA CHRONIQUE DE GUILLAUME GOUBERT - Un roman qui a un succès tout à fait exceptionnel, Les Yeux de Mona de Thomas Schlesser aux éditions Albin Michel. Sorti en librairie le 31 janvier, il s’est déjà vendu à plus de 100.000 exemplaires et il est en cours de traduction dans une trentaine de langues, dont le braille. (L’auteur y tient, on va tout de suite comprendre pourquoi). Comprendre ce succès me tient à cœur parce que ce roman a un fil conducteur inhabituel : l’histoire de la peinture.
Le personnage central est une petite fille de 10 ans, Mona, confrontée au risque de devenir aveugle. Les médecins estiment nécessaire qu’elle voie un pédopsychiatre. Le grand-père de Mona propose de s’en occuper. Mais, sans le dire à personne, au lieu de conduire sa petite-fille dans un cabinet médical, il l’emmène chaque semaine contempler un tableau dans un musée. Cet homme très érudit veut qu’elle puisse accumuler des images de la beauté au cas où elle perdrait définitivement la vue.
Thomas Schlesser a privilégié l’unité de lieu. Mona et Henry, son grand-père, vivent à Paris. Les 52 œuvres retenues figurent donc dans les collections du Louvre, du Musée d’Orsay et du Centre Pompidou. La plus ancienne est un Botticelli de la fin du XVe siècle, la plus récente une peinture de Pierre Soulages de 2002. Thomas Schlesser qui, de métier, est historien d’art, a pris soin de sélectionner à la fois des œuvres très célèbres et d’autres plus méconnues. Il a cherché aussi à faire une large place à des artistes femmes. Devant chacune des œuvres, Henry et Mona dialoguent. Et chaque fois, le grand-père en tire une leçon de vie. "Respecte les petites gens" devant le portrait d’une bohémienne par Frans Hals. "Lève le regard" devant une sculpture de Brancusi. Je précise que le livre comprend des reproductions des œuvres. Un peu petites mais c’est mieux que rien.
À défaut d’un style éblouissant, ce roman a de réelles qualités narratives portées par un suspense : Mona va-t-elle devenir aveugle ? Je ne vais pas divulgâcher le dénouement ! Les personnages sont attachants et la relation entre le grand-père et sa petite-fille est très marquante. Quand on l’interroge sur le succès de son livre, Thomas Schlesser met en avant cette complicité de Mona et Henry qui a un écho dans la vie de beaucoup d’entre nous.
Cependant, il ne faut pas sous-estimer l’attirance que l’univers de l’art exerce sur nous, surtout dans les temps difficiles que nous traversons. Face à l’obscurité du présent, l’art nous apporte de la lumière.
Thomas Schlesser nous fait comprendre avec beaucoup de talent combien l’art peut se mettre au service de la vie. Combien il enrichit notre relation au monde qui nous entoure. Il cite le peintre Paul Cézanne qui disait : "Aller à la nature par le Louvre et au Louvre par la nature."
Pour ma part, je vais vous proposer une autre phrase de Cézanne qui n’est pas dans le livre mais que je ne me lasse pas de citer. À propos d’un tableau qui est au Louvre, "Les noces de Cana" de Veronese, Cézanne a dit un jour : "Le miracle y est, l’eau changée en vin, le monde changé en peinture." Le roman de Thomas Schlesser nous le démontre : l’art est une forme de miracle.
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