Depuis la sortie, il y a 50 ans, de L’Exorciste de William Friedkin (1973), les films traitant de cette thématique intimement liée à la religion chrétienne sont parvenus à se tailler la part du lion dans le genre cinématographique d’horreur et d’épouvante. Et l’on ne compte plus les films qui sortent chaque année mettant en scène le combat non-métaphorique du bien contre le mal. Dernier en date : L’exorciste du Vatican.
Que les spectateurs les plus sensibles se rassurent, il s’agit d’une production grand public (d’adulte cela s’entend). L’atmosphère du film reste donc gentiment malsaine et les effets spéciaux timidement effrayants. En fait, la mise en scène de Julius Avery s’avère particulièrement plate, se contentant de proposer aux spectateurs des variations aseptisées de productions du genre plus anciennes et plus talentueuses. Quant aux personnages, on les oublie dès la fin du générique, hormis bien sûr Russel Crowe qui signe son grand retour en incarnant l’exorciste en question : le père Gabriel Amorth.
Il ne faudrait cependant pas renvoyer trop vite L’exorciste du Vatican aux oubliettes de l’histoire du cinéma. Le film se distingue, en effet, de par sa provenance particulière.
Ni scénario original, ni adaptation d’un roman, il s’inspire de la vie du père Amorth (1925-1916) qui exerça réellement la fonction d’exorciste à Rome pendant plus de 30 ans.
Cette caractéristique permet au film, dans sa première partie, d’apparaître comme particulièrement bien renseigné au sujet de la pratique de l’exorcisme, du nombre des cas réel (s’élevant à moins de 5% comme l’indique le Vatican lui-même), s’offrant même de courts moments de discussions théologiques portant sur la question du mal et de ses rapports avec la liberté humaine.
Il apparaît en outre que l’interprétation du père Amorth par Russel Crowe, décriée par une partie de la critique, la considérant comme caricaturale et louchant par trop vers les figures de super-héros, n’est pourtant pas éloignée de la réalité … pour autant que l’on ait prit la peine de se plonger dans ses ouvrages.
Héros de la seconde guerre mondiale, au cours de laquelle il prit part à la résistance et dont il sortira médaillé, le père Amorth était réellement un dur à cuire. Le combat contre Satan était pour lui chose sérieuse mais exigeait de conserver distance et humour afin d’éviter de surestimer la puissance du mal et de pouvoir ainsi le terrasser. Les punchlines de Russel Crowe n’ont donc rien d’artificiel, tout comme le respect scrupuleux de la hiérarchie catholique dont le père Amorth, ancien militaire, ne se départit jamais dans sa vie et qui est, elle aussi, bien rendue dans le film.
Mais il faut croire que la vie de cet prêtre particulier ne suffisait pas à Hollywood. Ainsi, la seconde partie du film déploie un arc narratif totalement fictif et rocambolesque qui tient plus d’Indiana Jones que des Onze fioretti de Saint François d’Assise (1950, Rosselini) …
On découvre, en effet, que si le démon Asmodée souhaite se mesurer au père Amorth, c’est parce qu’il a pour projet d’infiltrer, par son entremise, le Vatican lui-même. Une performance qu’il aurait d’ailleurs déjà réalisé au XVe siècle puisque c’est lui, le démon, qui aurait inspiré aux souverains dits « très catholiques » la sanglante inquisition espagnole !
La tentation est forte dans un premier temps de se gausser d’une telle proposition scénaristique. Pourtant, c’est bien elle qui constitue la seconde originalité du film. En effet, au lieu de boucler son film, comme c’est le cas dans tant d’autres traitant d’exorcisme, par la critique éculée des religion ou de l’Église, le réalisateur propose une histoire qui, sans avoir l’air d’y toucher, dédouane la religion chrétienne d’un des plus sombres épisodes de son histoire. Comme aurait pu le lâcher Russel Crowe avec son accent italien outrancier : « Si non e vero bene trovato. »
Découvrez plus de décryptages de films qui questionnent ou sont en lien avec la foi chrétienne dans L'Oeil de dieu, une émission proposée par Laurent Verpoorten, co-animée avec Jean-Marc Reichart.
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