Vatican
Film d'auteur maléfique portant le masque d'un blockbuster, "l'Exorciste" a jaillit du cinéma des années 70 comme un diable hors de sa boite. Avec cette adaptation, son réalisateur William Friedkin invente tout simplement le cinéma d'horreur moderne. Il fait pénétrer, avec outrance le fantastique profondément dans l'intime (ringardisant, au passage, l'intégralité des films de la société de production Hammer) et parvient à hisser le genre à un stade jamais atteint, tout en marchant dans les traces de Roméro et de Argento concernant le renouvellement de celui-ci.
Adepte d'un cinéma de terrain cradingue et cru à l'esthétique documentaire, Friedkin expérimente encore et toujours. Se permettant de mêler une structure et un temps du récit lancinant (référence voulue à Kubrick avec son "2001") à des effets spéciaux et sonores encore jamais vus à l'époque. La maestria du métrage tient grandement en cette alliance : cet insidieux slow burn, agissant comme un accélérateur à particules sur le réalisme du traitement, qui au fur et à mesure dévoile sournoisement le spectacle amoral, grand-guignolesque et terrifiant de la possession.
Ce contraste formel terriblement subversif demeure en parfait accord avec un autre contraste, celui-ci thématique et presque analogue dans son opposition. Au delà des thèmes premiers, facilement décelables (que sont ceux de la lutte du bien contre le mal et de la foi), Friedkin tient précisément à montrer l'arrogance de la science impuissante face aux lois invisibles. En effet, afin de détruire tous repères pour le spectateur, on remarque que le réalisateur fait baigner son film dans l'occultisme le plus total au sein d'un contexte où l'utra-pragmatisme ambiant tente de complètement l'évacuer. Cette thèse est notamment appuyée par le traitement des médecins présents dans le métrage. Montrés comme des êtres omniscients, des apprentis sorciers arrogants, sûr d'eux, à la science infuse. Ces docteurs incarnent une suffisance gorgée d'impuissance. L'hôpital, quand à lui, est vu comme de néo-hospices de Beaune remplies de machines médicales à l'électromécanique effrayante, pseudo-perfectionnées et mises en analogie avec des outils de torture médiévaux.
Dans le prolongement de cette thèse, le traitement du père Karras entre également en ligne de compte, la figure de ce personnage représentant le rationaliste déchu qui va retrouver la foi. L'incarnation de l'église qui a renié son héritage mystique au profit de la démarche scientifique, ce jésuite, formé par la compagnie à la psychologie moderne, va être amené à renouer de force avec les traditions théologiques de son obédience afin de faire face à la réalité du démon. La trajectoire de ce prêtre qui refuse de croire jusqu'à un stade très avancé à la véracité de cette possession démoniaque, sera celle d'une rédemption tragique. Les lourdes conséquences du nihilisme dans lequel il s'est enfermé lui seront finalement funestes. C'est au prix de sa propre vie et lors d'un climax rapide, remplis de bruit et de fureur, que se clôturera ce film plus que jamais terrifiant.
Découvrez plus de décryptages de films qui questionnent ou sont en lien avec la foi chrétienne dans L'Oeil de dieu, une émission proposée par Laurent Verpoorten, co-animée avec Jean-Marc Reichart.
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