Guillaume Goubert nous raconte l’histoire d’un ex-voto. Ces objets d'arts placés dans un lieu saint à la suite d'un vœu. L'ex-voto de Marguerite Maeght est à découvrir au musée des beaux-arts de Draguignan, jusqu’au 22 septembre !
Il faut peut-être d’abord rappeler ce qu’est un ex-voto. Selon le dictionnaire de l’Académie française, il s’agit d’un "objet, tableau ou plaque gravée que l’on place dans un lieu saint à la suite d’un vœu, en remerciement d’une grâce reçue, d’un souhait exaucé." Ce matin, je vais vous parler d’ex-voto réalisés par de très grands noms de l’art du XXe siècle : le sculpteur Diego Giacometti, les peintres Jean Bazaine, Raoul Ubac et Marc Chagall.
Ces ex-voto uniques en leur genre se trouvent dans une chapelle de Provence, la chapelle dédiée à sainte Roseline à côté de la petite ville des Arcs-sur-Argens. Comment de telles célébrités ont-elles été amenées à célébrer la mémoire d’une sainte du XIVe siècle, à dire vrai peu connue ? L’explication tient dans la personne d’une très grande dame du monde de l’art, Marguerite Maeght. Dans les années 1930, elle a fondé avec son mari, Aimé Maeght, une galerie de peinture qui deviendra l’une des plus prestigieuses de son temps, avec des artistes comme Bonnard, Matisse, Miro, Alberto Giacometti, Marc Chagall et bien d’autres. C’est elle qui a voulu offrir à sainte Roseline cet immense ex-voto.
Au cours de son enfance provençale, Marguerite Maeght a été élevée par des grand-parents qui effectuent chaque année un pèlerinage pour vénérer la dépouille de la sainte conservée dans la chapelle des Arcs et adresser des prières d’intercession à cette religieuse de l’ordre des chartreux décédée en 1329. Devenue adulte, Marguerite Maeght est restée fidèle à la piété de son enfance.
À plusieurs reprises, elle a adressé des demandes à sainte Roseline qui ont été exaucées. D’où son désir, à la fin des années 1960, d’exprimer sa gratitude par des œuvres d’art réalisées par de grands artistes de sa galerie. À l’époque, cette initiative avait eu un certain écho dans la presse. Mais, depuis, cette histoire avait été presque complètement oubliée. Une exposition qui vient d’ouvrir au musée des Beaux-Arts de Draguignan la remet en lumière de très belle manière.
Il y a tout d’abord cinq vitraux abstraits, signés de Jean Bazaine et de Raoul Ubac. Ensuite, plusieurs objets conçus par Diego Giacometti, frère du très grand sculpteur Alberto Giacometti, dont il fut le plus fidèle assistant. Un lutrin en bronze évoquant l’arbre de la sagesse, les portes d’un reliquaire et un bas relief évoquant un des miracles de sainte Roseline. Quant à Marc Chagall, il a conçu une immense mosaïque, le repas des anges, autre miracle de sainte Roseline. L’exposition de Draguignan montre les travaux préparatoires de ces œuvres. Il faut ensuite aller les voir in situ dans la vieille chapelle au milieu des vignes.
Alors nous ne sommes pas à l’église du plateau d’Assy, en Savoie, ni dans celle de Ronchamp en Haute-Saône, créées de toutes pièces au milieu du XXe siècle par de très grands artistes. Dans la chapelle des Arcs, sainte Roseline est vénérée depuis des siècles et les œuvres offertes par Marguerite Maeght ont pris place parmi beaucoup d’autres objets de piété de qualités très diverses. La cohabitation est un peu surprenante mais, au bout du compte, tout à fait émouvante. Marguerite Maeght a inscrit l’art contemporain dans un haut lieu de piété populaire auquel elle est restée fidèle jusqu’à son dernier jour. Ses obsèques ont été célébrées dans la chapelle en 1977.
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