"Je suis athée, Dieu merci!" aime dire Marc-Alain Ouaknin avec humour. Rabbin, philosophe, traducteur de la Bible, il partage sa passion pour la traduction et l'interprétation des textes. Son livre "La Genèse de la Genèse" est depuis peu accessible dans La petite collection des éditions Diane de Selliers.
Rabbin érudit, philosophe, fin connaisseur aussi bien d'Emmanuel Levinas que de Rabbi Nahman de Bratslav, du Talmud que de la Kabbale, Marc-Alain Ouaknin a plaisir à partager ses connaissances avec le grand public. Que ce soit sur France Culture, où il anime l'émission "Talmudiques" ou en publiant par exemple "La Tora expliquée aux enfants" (éd. Seuil, 2009). Pendant un mois, il a animé l’Atelier Targoum, organisé par le Mouvement juif libéral de France. Un projet d'envergure pour apprendre à des étudiants la méthodologie de la traduction et du commentaire du texte biblique. Le fruit de ce travail est un beau livre, "La Genèse de la Genèse" (éd. Diane de Selliers), ou les 11 premiers chapitres de la Genèse dans une nouvelle traduction.
Né en 1957 en France, Marc-Alain Ouaknin a grandi entre deux cultures. Son père, l'ancien grand-rabbin de Marseille, Jacques Ouaknin, est d'origine marocaine, sa mère, d'origine alsacienne, est juive ashkénaze. Ses grands-parents parlaient d'un côté "en judéo-alsacien ou en allemand entre eux", de l'autre "un français teinté d'expressions judéo-arabes".
De là est née sa "passion pour la traduction", qui n'est autre qu'un "passage entre les langues". Consacrer sa vie à la traduction comme il le fait, "ça suscite une joie qui est plus qu'une joie, qui est une réelle jubilation, qui est plus qu'une jubilation car c'est à la fois une danse de l'esprit et du corps".
[Jésus] saisit la main de l’enfant, et lui dit : « Talitha koum », ce qui signifie : « Jeune fille, je te le dis, lève-toi ! » (Mc 5, 41)
Il voulait être psychiatre, Marc-Alain Ouaknin, qui fréquente une yeshivah depuis l'âge de 13 ans, a développé une technique de bibliothérapie inspirée du Talmud. "Une bibliothérapie herméneutique", explique-t-il, puisque "ce n'est pas seulement la lecture qui guérit mais l'interprétation des textes, parce qu'il y a quelque chose qui dénoue".
"Un des pouvoirs essentiels de Jésus dans les Évangiles c'est de guérir par la traduction." Ainsi, dans l'Évangile de Marc, Jésus accomplit un miracle, il guérit la fille du chef de la synagogue en disant "Talitha koum" (Mc 5, 41), c'est-à-dire "lève-toi" : dans les textes on passe du grec à l'hébreu ou l'araméen. "C'est la traduction qui guérit, le fait de passer d'une langue à l'autre, c'est passer d'une culture à l'autre : la maladie c'est une forme d'enfermement, la traduction c'est une forme d'ouverture, d'où cette notion de guérison."
"Je suis athée, Dieu merci !" aime dire Marc-Alain Ouaknin avec humour. Le rabbin explique qu'il existe un athéisme théologique. L'idée que si Dieu est infini, il n'y a pas de place pour d'autre que lui-même : si donc le monde existe c'est que Dieu s'est retiré. Cette fameuse question du retrait de Dieu est celle d'"un espace vide dans l'infini de Dieu", un espace a-théologique : "Comment assumer en même temps qu'il y a Dieu et qu'il n'y a pas Dieu ?" Une contradiction à laquelle Rabbi Nahman de Bratslav (1772-1810) répond par l'attente du Messie, qui viendra résoudre cette "véritable tension" entre le fini et l'infini d'un Dieu qui se révèle à l'homme.
"L'homme est responsable de l'infini de Dieu." Si "Dieu s'est fait fini dans le livre", interpréter les textes "c'est lui redonner son infini", explique le rabbin. De même que l'on ne peut jamais enfermer Dieu dans une définition définitive, on ne peut jamais interpréter la Tora de manière définitive. Ce qui est en jeu dans l'interprétation des textes, c'est d'approcher l'infini de Dieu.
Émission d'archive diffusée en janvier 2020
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