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Napoléon III, architecte de la France d'aujourd'hui ?

Un article rédigé par Jeanne d'Anglejan - RCF, le 13 avril 2023 - Modifié le 17 juillet 2023
Les Racines du présentNapoléon III, architecte de la France d'aujourd'hui ?

Si Napoléon Ier a profondément marqué l’histoire, son neveu Napoléon III reste encore méconnu. On lui associe l’image de "Napoléon le petit" véhiculée par Victor Hugo. Le 150e anniversaire de sa mort cette année est l’occasion pour certains historiens de se pencher sur la vie de celui qui a été le premier président de la République, et de voir dans quelle mesure il mérite d'être réhabilité.

Napoléon III par Franz Xaver Winterhalter, 1855 © WikicommonsNapoléon III par Franz Xaver Winterhalter, 1855 © Wikicommons

Le "neveu qui pose problème"

 

Napoléon III reste à la tête de la France pendant 18 ans. 18 années au cours desquelles il tente de s’affirmer dans les pas et dans l’ombre de son oncle, Napoléon 1er. Celui-ci incarne à lui seul le Premier Empire et laisse derrière lui un riche héritage, notamment la légion d’honneur ou le code civil. Pour Xavier Mauduit, historien, producteur du Cours de l’histoire et auteur de "Napoléon III" (éd. PUF), Louis Napoléon est  le "neveu qui pose problème". D’autant que ses détracteurs sont des personnalités influentes : Hugo, Zola ou Marx cultivent une "légende noire" autour de lui.

 

Napoléon III naît en 1808 de l’union de Louis Bonaparte et d’Hortense de Beauharnais. C’est en Italie, en exil, qu’il fonde ses idées au contact des Carbonari. Cette société secrète œuvre à l’unité italienne et veut chasser les Autrichiens. De Napoléon III, on ne retient "pas grand chose", déplore Maxime Michelet, président de la société historique des Amis de Napoléon III et auteur de "Napoléon III, la France et nous" (éd. Passés Composés). Il a pourtant révolutionné l’urbanisme parisien, avec l’aide d’Haussmann. Pour les intervenants, cela est dû au problème du Second Empire, où "le système politique dépasse l’individu lui-même".

 

De la prison à l’Élysée

 

Avant d’accéder au pouvoir, Napoléon III essuie deux échecs. À deux reprises, il tente "des prises du pouvoir désastreuses, ridiculisées par le pouvoir en place", rappelle Maxime Michelet. L'échauffourée de Strasbourg en 1836 fait pourtant "trembler le pouvoir en place de Louis Philippe". En 1840, sa deuxième tentative se fait à Boulogne-sur-mer. Il est alors incarcéré et condamné à perpétuité à la forteresse de Ham. Il y reste six ans, avant de s'évader en 1846. Ce temps passé en prison, il le consacre à mûrir son projet politique. Pour Xavier Mauduit, c’est "un temps d’université". Il s’y crée des réseaux, théorise sa pensée et construit la propagande bonapartiste.

 

Le 10 décembre 1848, Louis Napoléon Bonaparte profite du contexte particulier en France pour se faire élire président de la République au suffrage universel. C’est un "triomphe incontestable, une victoire nette et sans bavures" qui clôture une "riche et difficile pour la vie politique française, avec la fin de la monarchie de Juillet et le grand printemps des peuples en Europe". "Quand il arrive au pouvoir, c’est un inconnu. Il ne connaît pas Paris et Paris ne le connaît pas", souligne Xavier Mauduit.

 

Mais en 1851, à l’aube des élections présidentielles de mai et conscient qu’il ne peut pas se présenter pour un deuxième mandat, Louis Napoléon Bonaparte fait un coup d’État. Le 2 décembre 1851, il s’empare du pouvoir. Un an plus tard, le 2 décembre 1852, il proclame le Second Empire. "En province, les contestations sont très fortes. Il y a du sang versé. Il ne pourra jamais l’effacer", souligne Xavier Mauduit.

 

Malgré le coup d’État, "Napoléon III assoit sa vision politique sur le suffrage universel et véhicule l’idée qu’il est ce qu’il est par la volonté du peuple", souligne Maxime Michelet. Il lutte contre la misère et pour l’extinction du paupérisme, à l’aube d’une révolution industrielle. "Au cœur de la doctrine bonapartiste de Napoléon III, il y a le plébiscite". Il lutte pour le droit des peuples et appelle régulièrement les Français aux urnes pour "valider les grands moments de son règne". "Ce fut l’âge de l’apprentissage du vote", estime Maxime Michelet. Si les conditions des scrutins ne sont pas "les plus libres qui soient" - absence d’isoloir, contrôle - c’est en tous cas le moment où les électeurs se familiarisent avec les urnes. En 1848, neuf millions de Français obtiennent le droit de suffrage. "Sous le Second Empire, ils apprennent la régularité de ce geste", souligne Xavier Mauduit.

 

Napoléon III, le "prince de la prospérité"

 

Quand il est au pouvoir, Napoléon III veut faire de la France un pays de fête. "C’est un geste politique, qui montre que le pays est prospère", explique Maxime Michelet. Cette image de fête impériale accolée au Second Empire est décrite par Zola comme une période de "débauche". En 1867, l’exposition universelle dépasse les 10 millions de visiteurs sur plusieurs mois. Tous les souverains européens se rendent en France.

 

"Napoléon III a compris la période de croissance due à la révolution industrielle et il a su la saisir", souligne Xavier Mauduit. L'empereur s’intéresse beaucoup à l’économie : sous le Second Empire, "le PIB de la France double et passe de 10 à 20 milliards". Le réseau ferroviaire, lui, passe de 3 500 km de chemin de fer à 17 000 km en 1870. En ce qui concerne l’instruction publique, Victor Duruy pose avec Napoléon III les fondements qui serviront quelques années plus tard à Jules Ferry.

 

Napoléon III arrive au pouvoir mû par la volonté de faire de la France un pays qui pèse sur l’échiquier international. Mais "il va faire des erreurs" et provoque dans les années 1860 un état d’isolement diplomatique de la France vis-à -vis du monde. C’est ce qui explique qu’en 1870, la guerre est pour les troupes françaises une catastrophe. "Seule et sous équipée, l’armée n’a pas le niveau de formation nécessaire", souligne Xavier Mauduit. Pour Maxime Michelet, cet effondrement est perceptible dès les années 1850 : "la cavalcade ralentit déjà un peu". En septembre 1870, Napoléon III est fait prisonnier pendant la bataille de Sedan et est exilé en Angleterre. Il y meurt trois ans plus tard, laissant derrière lui une France au nouveau visage.

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