Véronique Ellena, photographe et plasticienne connue à l'internationale, revient dans sa ville natale à Bourg-en-Bresse pour mener un projet artistique avec la ville.
Véronique Ellena a commencé son projet "Mémoires intimes" cet hiver avec l'objectif de photographier une centaine de personnes. A quelques mois de l'exposition finale, elle nous donne un avant-goût avec une quinzaine de portraits affichés sur les grilles de l'Hôtel-Dieu de Bourg. Cette exposition rentre dans le cadre de la ZOA, un dispositif d'art urbain initié par la Ville de Bourg-en-Bresse.
Dans ces 15 photographies, on remarque des lieux emblématiques comme le stade Marcel Verchère, l'ancienne Brasserie du Pont de Lyon, le champ de foire, le parc de la Madeleine ou encore la gare. C'est d'ailleurs une volonté pour l'artiste de représenter la diversité des gens, des parcours et des lieux qui habitent la ville.
Je voulais montrer à quel point Bourg est tissé d'une toile de personnalités et de personnes différentes et qui pourtant font la ville. C'est comme cela que j'ai choisi ces photos. J'ai choisi aussi des parcours qui sont un peu emblématiques. Mais finalement, on se rend compte que tous les parcours sont emblématiques.
Le commissaire de l'exposition, Boris Tissot s'est quant à lui chargé de retranscrire les interviews des participants non pas en photos, mais à l'écrit. Il a choisi un extrait, une phrase représentant le mieux le parcours de la personne. On la retrouve sur un cartel à côté de la photographie.
J'ai essayé de trouver l'atmosphère dans laquelle la personne était quand elle nous a rencontré, ce qu'elle nous livrait parfois jamais dit à personne. Il fallait tenir compte de tous ces trésors cachés.
A travers ce projet, Véronique Ellena et Boris Tissot ont découvert des parcours étonnants. Comme celui d'un homme, dont les parents étaient issus de l'immigration. Boris Tissot explique :
Cette valise, c'est le seul bagage, le seul bien, que ses parents avaient en arrivant à Bourg. Dedans, il y a gardé toute sa vie parce que comme il a 90 ans, c'est quelque chose de très fort pour lui.
Véronique Ellena, l'artiste a été particulièrement touché par cette histoire.
Ce que je vois dans cette photo aussi c'est un parcours de quelqu'un issu de l'immigration et ça c'est très important. En fait, quand on part de son pays natal, c'est jamais avec plaisir. C'est jamais avec facilité, c'est toujours en espérant avoir une vie meilleure et surtout en espérant que ses enfants auront une vie meilleure. On part le cœur déchiré parce qu'on pense qu'il n’y a pas d'autre solution et c'est ça qu'on voit ici aussi.
Depuis quelques années, Véronique Ellena vit sur Paris, où elle exerce et expose son Art : la photographie. Mais depuis septembre, l’artiste burgienne a souhaité renouer avec ses racines en créant le projet “Mémoires intimes”.
Véronique Ellena a fait sa scolarité à Bourg-en-Bresse. Elle vivait dans le quartier des Vennes, où elle y garde de nombreux souvenirs. Après son baccalauréat, elle décide de quitter la ville pour étudier les arts visuels en Belgique. Elle y fait ses premières rencontres avec des galeristes. De retour en France, elle s’installe à Paris et expose dans des galeries et musées dans le monde entier. Mais Véronique Ellena reste attachée à ses souvenirs et à la ville de Bourg.
Je fais ce projet pour réunir les gens. Mais aussi pour réunir des souvenirs de l’enfance. [...] Je suis très contente de revenir dans ma ville natale. J’ai beaucoup de souvenirs aussi de mon côté, qui croisent ceux des participants et c'est toujours très touchant. C'est un bel endroit pour une création vivante.
Ce projet “Mémoires intimes”, c'est une façon pour elle de renouer avec ses souvenirs mais surtout de les consolider avec les souvenirs des autres habitants. L’objectif est que chaque participant vienne avec une photographie. Véronique Ellena va l’agrandir, puis ils vont tous les deux partir faire une photo dans un des lieux de Bourg, souvent celui de la photo apportée.
C’est un projet qui est vraiment relié à la ville et à ses habitants, aux personnes qui passent dans cette ville ou qui ont quelque chose à me raconter sur leur rapport à Bourg. J’ai envie qu’on me raconte des choses intimes qui deviennent universelles, j’ai envie que la photo soit un vecteur du vivre ensemble. Ce qui m'intéresse c'est comment on va croiser ses histoires individuelles pour qu’elles rejoignent la grande histoire et qu’elle aussi soit universelle. Ce que j ‘espère, c'est d' avoir des histoires qui vont parler du passé de la ville, suffisamment multiples et différentes pour donner une idée de ce qu'est la ville à travers le regard des gens qui viennent participer.
Les personnes souhaitant participer, s’inscrivent. Un rendez-vous est alors fixé pour échanger avec Véronique Ellena. C’est ce qu’elle appelle “l’interview”. Elle demande au participant l’origine de cette photo, son histoire, ce qu’elle évoque pour lui, pourquoi il souhaite la partager mais surtout le lien qu’elle a avec la ville.
Il y a une personne qui m’ a amené une photographie d’arbre. C’est l’arbre de la liberté qui a été déraciné devant le collège Amiot et replanté dans le jardin de la Madeleine. Cette personne a été tellement émue et investie dans le déplacement de cet arbre qu’il l’a photographié et on est allé refaire une photo sous cet arbre.
Ces photographies feront l'objet d'une exposition à l’automne prochain à l’espace H2M. Au mois de juin, une vingtaine d'entre elles seront également agrandies et affichées dans Bourg. L’idée est de créer un parcours itinérant à travers la ville en passant d’une photo à une autre.
Avec ce projet, on tricote un grand patchwork qui fait que l'individualité devient quelque chose d'universel. Ça m'intéresse de partir de l' histoire individuelle, intime, pour arriver à l'histoire universelle et à quelque chose de l'ordre du vivre ensemble. La place de l’individus, homme, femme , enfant est très importante. C'est important pour moi de parler de comment l’individu interagit avec la société, et comment la société interagit avec l'individu, comment les gens vivent ensemble.
Bernard Courtebras, ancien professeur à l’université a décidé de faire partie du projet en apportant une photo d’un jeune enfant vêtu de blanc, assis sur les marches du Sacré cœur à Bourg.
J’ai choisi cette photo car on me trouvait mignon dessus. [...] Pour moi, cette photo représente l’enfance. Pour savoir d’où l’on va, il faut savoir d’où l’on vient. Il est important de connaître son passé, ses origines, qu’elles nous conviennent ou pas. Je ne me souviens pas du contexte de cette photo, j’avais 2 ou 3 ans. J’étais dans une famille très catholique, très croyante, j’ai eu du mal à m’en éloigner. Mais à l’adolescence, j’ai commencé à m’interroger et à prendre plus de distance. Je suis devenu un peu plus rationnel et scientifique. Cette photo me fait penser à mon enfance et à ma famille.
Le projet collaboratif” Mémoires intimes” se poursuit jusqu’à la rentrée 2024. L'exposition finale des 70 portraits se fera à l'espace H2M à Bourg-en-Bresse en novembre.
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