Dans ce sixième épisode du podcast Marche & Rêve, Thierry Lyonnet retrouve Charles Wright dans un petit ermitage entre l'Ardèche et les Cévennes. L'apprenti jésuite, qui parle de l'Évangile comme d'une bombe dans sa vie, a parcouru 700 kms sans le sou, sur les pas de Charles de Foucauld, retracés dans son livre "Le chemin des estives". Dans cet épisode, on découvre comment la marche est un merveilleux moyen de se dépouiller matériellement pour mieux se remplir spirituellement. La semaine prochaine, Thierry Malleret, ancien directeur du Forum Economique Mondial de Davos racontera comment la marche peut influencer positivement nos décisions stratégiques et professionnelles. Le podcast Marche & Rêve est disponible dans son intégralité sur rcf.fr, l'appli RCF et votre plateforme de podcast préférée !
L'apprentissage de la vie n'est pas une théorie intellectuelle mais une expérience concrète. Saint Ignace de Loyola, fondateur de la compagnie de Jésus qu'on appelle plus communément les jésuites, souhaitait que les futures recrues, plutôt que d'apprendre dans les livres "fasse l'apprentissage par corps et intériorisent les choses plutôt que d'avoir un savoir purement cérébral" explique Charles Wright. C'est par une marche entre Angoulême et l'Abbaye Notre Dame des neiges que le jeune jésuite à expérimenter le dépouillement physique.
Avec son compagnon de route, il sillonne le Massif Central et marche pendant 700 kilomètres, sans le sou, au gré des rencontres et de la providence. Une expérience spirituelle puissante, de confiance et d'abandon qu'il raconte dans son livre "Le chemin des estives" publié aux éditions Flammarion. L'idée du "mois mendiant" est de partir "à deux avec un novice qu'on a pas choisi, pendant 30 jours sur un lieu de pèlerinage, sans argent, sans tente, sans téléphone portable, complètement dépouillé. L'idée c'est de faire l'apprentissage de la pauvreté, de la providence concrète" explique Charles Wright.
La marche c'est faire l'expérience du dépouillement, de la soustraction. C'est un dépouillement au carré.
Pendant ce "mois mendiant", la seule assurance qu'avait Charles Wright est qu'il allait marcher. Pour le reste, il a dû s'abandonner à la providence. Pas de sou, pas de nourriture, pas de maison, le jeune jésuite a expérimenté ce qu'il appelle le "dépouillement au carré". "On vit dans des époques où on nous pousse un peu à cumuler des objets, des choses dont on a pas besoin. Dans une marche, on apprend à se soustraire des futilités, des inutilités et nous c'était au carré car on est vraiment partis sans rien" raconte-t-il. En partant avec rien, Charles Wright a pu réaliser au fil des jours qu'il n'avait pas besoin de grand chose pour "vivre intensément" comme ces grands marcheurs qu'il admire et qu'il appelle les "vagabonds célestes".
Rimbaud, Charles de Foucauld ou encore Kerouac sont une source d'inspiration pour Charles Wright. Ce qu'il aime chez eux, c'est leur soif d'absolu et de vérité. Alors que nous avons souvent tendance à compter ce que nous possédons, le jeune jésuite aime chez ces auteurs leur capacité à s'enrichir de l'insaisissable, "Dieu pour Charles de Foucauld, pour Kerouac, l'absolu, la vérité, l'amour".
"Toutes ces choses qui comptent, en fait, on ne peut pas mettre la main dessus, ça nous échappe. Et donc il faut partir, il faut sans cesse partir, sans cesse se remettre en avant, sans cesse marcher" constate-t-il. Il reprend la phrase de Michel de Certeau pour illustrer son propos "est mystique celui qui ne peut s'arrêter de marcher".
Toutes ces choses qui comptent, en fait, on ne peut pas mettre la main dessus, ça nous échappe. Et donc il faut partir, il faut sans cesse partir, sans cesse se remettre en avant, sans cesse marcher
Ce que Charles Wright aime dans la marche et qui est commun à tous les randonneurs c'est ce qu'il appelle "la démangeaison d'inconnu". Ce besoin de retrouver une plénitude dont nous sommes tous nostalgiques.
D'un point de vue plus métaphysique, pour Charles Wright la marche fait partie intégrante de notre condition humaine. Nous sommes tous pèlerins car tous de passage. "Je me suis souvent demandé ce qu'il y avait derrière cet appétit de l'espace et il y a cette idée de la Terre promise, le bonheur, le royaume c'est une promesse, c'est toujours devant nous. Et c'est un appel à sans cesse se remettre en mouvement, s'expatrier de ses certitudes, de ses habitudes."
Le Jésus qui me parle c'est celui qui est sur les routes
Comme Jésus, le bonheur que l'on trouve dans la marche est insaisissable. En effet, pour Charles Wright, le nazaréen est "l'homme qui échappe, l'homme qu'on ne peut pas réduire à ses déterminations, à son enracinement culturel, il est toujours plus loin, il passe et il nous rappelle que la condition humaine c'est celle d'être des passeurs et des pèlerins." Jésus est l'exemple même de "l'homme qui marche" avec toute la symbolique que cela revêt. La marche n'est pas l'objectif, c'est le bien qui est fait par Jésus autour de lui lors de ses marches et sa capacité à embarquer les autres sur le chemin qu'on retient.
Sur les chemins de traverses français, Charles Wright aura fait l'expérience du corps, du l'âme et de la rencontre. Il parle de sa découverte de la "banalité du bien" ou comment la marche réconcilie avec la bonté de l'humanité. Un mois de sobriété qui l'a transformé, lui a permis de "perdre son embonpoint existentiel" et de renforcer sa foi en Dieu et en l'Homme. Un récit à découvrir en intégralité dans son livre "Le chemin des estives" publié aux éditions Flammarion.
L'homme qui échappe, l'homme qu'on ne peut pas réduire à ses déterminations, à son enracinement culturel, il est toujours plus loin, il passe et il nous rappelle que la condition humaine c'est celle d'être des passeurs et des pèlerins
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