C’est un récit aux parfums nostalgiques, fait de souvenirs et références à ce monde révolu d’un service postal qui avait tout son charme. L’optimisation des process, la concurrence du courrier électronique, c’est vrai, ont changé la donne. Mais que voulez-vous, ce fils de postiers ne pouvait rester sans faire mémoire des facteurs du passé. L’enfant de la Poste ne conteste pas les courriers égarés, les retards de distribution, l’attente aux guichets… mais bientôt tout cela n’existera plus, et il faudrait être timbré pour ne pas reconnaître que le courrier était un facteur de lien social jusqu’aux campagnes les plus reculées.
Il faudrait être timbré pour ne pas reconnaître que le courrier était un facteur de lien social jusqu’aux campagnes les plus reculées. Et l’auteur s’indigne que la Poste puisse proposer, contre monnaie sonnante, des « visites » du facteur pour casser autant que faire se peut la solitude des aînés. Avant, le facteur avait la solide réputation d’accepter un ptit verre, histoire de discuter du temps qui passe… Bref : il y a dans le récit de Christian Authier une part de contestation des évolutions économiques et managériales qui pourra intéresser les plus curieux. Les autres, sensibles à la part littéraire de ce livre, s’intéresseront davantage à l’histoire depuis la malle poste et les véritables prouesses techniques et humaines d’une activité universelle.
N’est-ce pas la description d’un monde irrémédiablement condamné ?
Mais que serait une vie sans lettre d’amour, un été sans carte postale ? C’est vrai, la carte postale, on l’achète et on l’oublie facilement, on tergiverse, elle traîne au fond d’un sac, on n’a pas forcément de timbres en prévision… mais la carte postale est en été aussi importante que les baskets et la crème solaire. Et si, je le concède, l’expéditeur doit se motiver pour écrire à la vieille tante qu’il fait beau et que tout va bien, le destinataire se réjouira de cette petite pensée, arrivée dans sa boîte aux lettres trop souvent encombrée de factures et de tracts publicitaires. Selon un sondage réalisé en 2021, 86% des Français déclaraient que « recevoir une carte postale fait toujours plaisir. » Et preuve que l’abandon des cartes postales n’est pas pour demain, ce sont premièrement les moins de 25 ans qui en expédient. « La carte postale se moque de la rapidité, de l’urgence. Elle est un petit cadeau, une marque d’attention, un clin d’œil, un signe que l’on adresse à sa famille, à ses proches, à ses collègues, à ses amis », écrit Christian Authier qui rappelle que pas moins de 300 millions de cartes postales ont été postées en France en 2019.
La carte postale est témoin d’une époque, les collectionneurs le savent bien, elle a été capitale pendant la Grande Guerre pour le moral des troupes et de leurs familles. Et l’auteur raconte aussi la fabuleuse aventure de l’Aéropostale. Une époque où les héros Mermoz, Guillaumet sur leur Latécoère, sont magnifiés par la littérature que ce soit dans l’œuvre de Saint-Exupéry , ou les écrits de Henri Decoin ou Joseph Kessel. Combien de correspondances sont d’une réelle dimension littéraire, quand ce n’est pas explicite, je pense à « Lettres à Lou » d’Apollinaire, Lettres à une jeune poète, de Rilke, Lettes persanes de Montesquieu. J’aurais dû écrire cette chronique sous forme de Lettre ouverte, spécialement adressée à vous chers auditeurs. Une fois le livre de Christian Authier refermé, on n’a qu’une seule envie : prendre juste le temps d’une carte postale, comme une bouteille à la mer. Il y a bien quelqu’un à qui elle fera plaisir.
Poste restante, de Christian Authier, Flammarion.
Chaque jeudi à 8h44, Christophe Henning (La Croix) et Christophe Mory (RCF et Radio Notre-Dame) présentent le livre de la semaine.
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