Poussiéreux, les ballets ? Une enquête sociologique entre l’Alsace et New-York

Pendant  dix ans, Laura Cappelle s’est intéressée à la création contemporaine de quatre institutions majeures : l’Opéra de Paris, le Bolchoï de Russie, le New-York City Ballet et l’English National Ballet. Objectif : analyser les mécanismes de création des ballets du XXIème siècle. Une mine d’or pour la sociologue qui voit dans la danse la possibilité d’analyser physiquement l’acte de création. Les compagnies internationales qu’elle a choisies pour son étude ouvrent la porte à l’analyse comparative : en se glissant dans leurs studios, la possibilité lui est donnée de relever la façon dont chaque compagnie intègre le difficile équilibre entre héritage historique et création contemporaine. Entre 2000 et 2020, elles ont à elles quatre produits 235 nouveaux ballets. Mais la création diffère selon les lieux : le Bolchoï, dans sa longue tradition de créations narratives, opte pour des spectacles longs, tandis que le New-York City Ballet visera davantage l’abstrait de forme courte. 

Patrimoine et création, un équilibre difficile

“Pour créer quelque chose de nouveau, il ne faut pas forcément faire table rase du passé (...). On peut s’appuyer sur les épaules du passé pour repartir de zéro.” résume Laura Cappelle. Tradition et modernité peuvent s’entremêler dans un processus unique de renouveau. Si les productions classiques caracolent encore à la une des programmations des grandes compagnies de danse, il ne faut pas automatiquement y voir une pression du public, attaché à ses vieilles attentes. La danse se confronte surtout aux limites du corps, qui dictent à elles-seules les frontières du renouveau.

Le renouveau est aussi à envisager du côté des enjeux sociétaux. La place du corps féminin et de la femme dans son entièreté suscitent encore des crispations dans l’univers de la danse, notamment classique. Si en dix ans de thèse, Laura Cappelle a pu voir les mentalités évoluer, la route reste encore longue avant de totalement défaire les préconçus : à la question de savoir si elles se prêteraient au jeu de la création, beaucoup de danseuses ont répondu par la négative. Une ‘infantilisation’ encore présente et surtout subie par les femmes. Et le ballet de l’Opéra Nationale du Rhin ? Compagnie plus petite, Laura Cappelle y voit dans cette caractéristique un détachement plus grand face au poids des traditions. 

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